DÉVELOPPEMENT DU SOI
Le soi n’est pas présent à la naissance, mais se développe tout au long de la vie de l’individu, et plus particulièrement chez le jeune dans le cadre d’une interaction entre l’évolution des capacités cognitives personnelles et l’influence des agents de socialisation (parents, institution scolaire…). Six grandes étapes de développement du soi ont été identifiées (Harter, 1999).
Durant la toute petite enfance (jusqu’à 4 ans), avec l’émergence du langage, l’enfant va développer des représentations de soi uniquement fondées sur des caractéristiques concrètes, observables par autrui (« j’ai les yeux bleus »). Il se caractérise avec des attributs distincts les uns des autres (« je saute des marches », « je monte sur un tricycle »…), mais n’est pas capable d’élaborer des généralisations sur ses compétences, en se considérant, par exemple, comme agile.
Durant la période allant de la fin de la petite enfance au milieu de celle-ci (jusqu’à 7 ans), l’enfant devient capable d’effectuer des comparaisons entre un soi passé et un soi présent (« maintenant je sais lire »), mais il confond les compétences désirées (« je sais lire ») avec les compétences réelles (il n’est en CP que depuis une semaine…). Ces comparaisons entre un soi passé et un soi présent souvent idéalisé entretiennent des perceptions de soi extrêmement positives. Durant cette période, l’enfant commence à réaliser que les personnes participant à sa socialisation (parents, enseignants...) ont un point de vue particulier sur lui et ses comportements, c’est le début du processus de « soi miroir social » par lequel les réactions des autres vont le renseigner sur la personne qu’il est, de la même façon qu’un miroir lui donne de l’information sur son apparence physique.
Au cours de la période allant du milieu à la fin de l’enfance (jusqu’à 11 ans), l’enfant devient capable d’utiliser des traits de personnalité pour se définir (« je suis sympathique avec mes amis »). Cette nouvelle capacité rend compte d’avancées cognitives majeures. Les représentations de soi sont hiérarchisées, avec au sommet le trait de personnalité (« je suis intelligent ») représentant le plus haut degré de généralisation, trait basé sur l’intégration de caractéristiques comportementales spécifiques, comme les réussites scolaires en français et en mathématiques. L’enfant devient aussi capable de se définir avec des représentations de soi opposées, ce qui lui permet de s’autoévaluer avec plus d’exactitude. Ainsi peut-il se concevoir comme sympathique dans certains contextes et désagréable dans d’autres. Les acquisitions cognitives qui facilitent la prise de perspective permettent à l’enfant d’apprécier l’opinion que les autres ont de lui, opinions qui sont alors internalisées sous forme de représentations de soi très spécifiques (« je suis populaire auprès des filles de ma classe ») ou générales (« je suis sympathique »). Le processus du soi miroir est bien en place chez l’enfant qui possède maintenant une estime de soi globale, c’est-à-dire une capacité à s’évaluer en tant que personne, indépendamment de domaines particuliers.
Au début de l’adolescence (entre 12 et 13 ans), le jeune devient de plus en plus sensible aux opinions et aux standards des autres comme sources d’information dans le processus du soi miroir. Il y a alors prolifération de représentations de soi qui varient d’un contexte à l’autre. L’adolescent peut se penser joyeux avec ses amis, triste avec ses parents, intelligent et intéressé en tant qu’élève, et incompétent en sport.
Au milieu de l’adolescence (entre 14 et 16 ans), les jeunes regardent intentionnellement dans le « miroir social » pour obtenir de l’information sur les standards et attributs à internaliser. L’existence de sources d’influence différentes,[...]
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Écrit par
- Delphine MARTINOT : professeure des Universités en psychologie sociale
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