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DÉVELOPPEMENT DURABLE

Développement durable, répartition de la richesse et décision publique

La réponse au premier déséquilibre, celui de l'inégale répartition de la richesse, passe tout d'abord par la promotion d'un mode de développement géographiquement et territorialement plus homogène. Les écarts de richesse entre les nations sont relativement récents. Ils se sont rapidement accrus, et ce tout particulièrement depuis la Seconde Guerre mondiale. Selon l'historien de l'économie Paul Bairoch, la distribution de la richesse au sein des grandes aires de civilisation semble avoir été, jusqu'au xviiie siècle, assez homogène : il n'y avait pas, à proprement parler, de pays pauvres et de pays riches. L'écart entre les aires territoriales les plus et les moins riches restait inférieur à un rapport de un à deux. Il en va tout autrement aujourd'hui : en 2000, le rapport entre les nations les plus riches et les plus pauvres était de 1 à 74. Autrement dit, plus nous avons produit de richesses et moins nous sommes parvenus à la répartir. Or l'actuelle disparité Nord-Sud – pour dire les choses simplement, car désormais ces mêmes écarts se creusent, par exemple, entre Shanghai et les campagnes chinoises –, n'est probablement pas étrangère à la haine, à la violence et au terrorisme qui se développent au sein de la modernité globalisée, et qui constituent une entrave puissante qui compromet, avec la corruption, l'effort en direction de modes de vie plus durables.

Le développement durable appelle encore d'autres modalités pour la prise de décision publique. Dans le cadre classique des démocraties représentatives, les choix publics relèvent des seuls élus, éclairés par la rationalité technique que les services administratifs sont censés leur procurer. Or cette approche de la décision est de plus en plus contestée, surtout lorsque celle-ci doit être arrêtée dans un contexte d'incertitude scientifique et à propos de projets affectant, via l'environnement, la vie quotidienne des gens. Est alors de plus en plus exigée la participation des citoyens à l'amont du processus décisionnel. Cette approche plus horizontale et « dialogale » de la décision s'impose aussi aux agents économiques : ceux-ci doivent alors composer avec les parties concernées par leurs activités (organisations non gouvernementales, associations, porteurs d'intérêts divers). L'encadrement juridique de l'essor technologique, par le principe de précaution, relève encore de cette nouvelle approche, concertée, de la prise de décision.

Enfin, il y a désormais une contradiction patente entre l'organisation de nos sociétés et la préservation de l'habitabilité de la Terre. Héritiers que nous sommes de la philosophie contractualiste, nous pensons que ce qui fonde la légitimité de l'organisation politique du corps social est de garantir à chacun la possibilité de maximiser son avantage, à savoir de produire et consommer de plus en plus. Or force est de constater aujourd'hui que l'accumulation de ces productions-consommations dégrade de façon accélérée les biens communs qui conditionnent la viabilité de la planète, et, au premier chef, la stabilité du climat et les services écologiques.

Le développement durable concerne ainsi toutes les dimensions et les grandes orientations de nos sociétés. Au-delà même des implications politiques, environnementales et économiques, l'enjeu est celui d'une civilisation nouvelle.

— Dominique BOURG

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