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DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL Sociologie

Démarches et bévues théoriques

Les premières démarches ont surtout eu pour but la définition et le repérage ; elles ont recherché les critères spécifiques des sociétés du Tiers Monde et ont tenté de construire des indicateurs qui permettent de mesurer leur état de sous-développement.

La critériologie

Cet état est d'abord déterminé par ses manifestations : démographiques (forte fécondité et croissance de la population qui ne trouve pas son corrélat dans la croissance de l'économie), économiques (faiblesse du revenu par tête et insuffisante couverture des besoins assurant la « reproduction sociale » du producteur), sociales et culturelles. Certains auteurs, et notamment A.  Sauvy, ont retenu, sous ce dernier aspect, des caractéristiques estimées très générales : faiblesse numérique des classes moyennes, auxquelles est imputée une fonction plutôt novatrice ; statut inférieur de la femme, qui peut entretenir les influences traditionalistes et retarder l'adaptation à la modernité ; vulnérabilité des organisations, y compris l'organisation politico-administrative à l'échelle nationale ou territoriale ; analphabétisme maintenu à un haut niveau (souvent plus de 75 p. 100), alors que la généralisation de l'éducation moderne est un préalable à toute politique de développement.

À ces manifestations peuvent s'ajouter celles qui concernent, d'une manière plus globale, les structures et les comportements. Les sociétés en développement sont souvent vues comme des sociétés dualistes où coexistent un secteur moderne, limité et dynamique, et un secteur dit traditionnel, de large extension et condamné à la simple « répétition ». Elles sont aussi présentées comme porteuses de structures désarticulées, aspect que F. Perroux a bien mis en évidence sur le plan des structures économiques. De leur côté, les anthropologues et les sociologues ont souligné le double processus de déstructuration et de restructuration, la multiplication des déséquilibres qui font que les sociétés du Tiers Monde se caractérisent, à la fois, comme des sociétés « à l'épreuve » et « en mutation ». Les politicologues insistent, quant à eux, sur l'instabilité des régimes, sur l'intensité des compétitions opérant au sein de la « classe » des dirigeants et des gestionnaires, sur la charge révolutionnaire dont les sociétés politiques du Tiers Monde sont porteuses. Les travaux d'orientation psychologique manifestent certains aspects généraux des attitudes et des comportements : état d'« alternance », d'hésitation entre les comportements conformes à la tradition ou à la coutume et les comportements novateurs résultant de l'adhésion à la modernité ; soumission des besoins à l'« effet de démonstration » qui fait que leur niveau tend à s'aligner sur celui des pays développés, alors que les moyens de les satisfaire n'existent pas sur place.

La méthode des critères cumulés paraît insuffisante et contestable. Elle conduit à additionner des critères hétérogènes : données statistiques (par exemple, taux de croissance démographique annuelle supérieur à 2 p. 100, revenu par tête inférieur à 100 dollars ou situé entre 100 et 300 dollars, etc.), caractéristiques structurelles (par exemple, déséquilibre des structures) et aspects généraux estimés spécifiques. Cette méthode, par ailleurs, conduit à une représentation plutôt statique – elle donne l'image d'un certain état des sociétés du Tiers Monde –, alors que le fait du développement exige une étude dynamiste, une connaissance des processus assurant le passage d'une formation sociale à une autre. Enfin, le recours aux critères cumulés permet davantage le repérage du sous-développement, et la description de ses manifestations, que son explication ; il contribue à déterminer[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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Sociétés traditionnelle et moderne - crédits : Encyclopædia Universalis France

Sociétés traditionnelle et moderne

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