DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, notion de
Théories et stratégies du développement
L'absence de consensus concerne aussi la démarche analytique à adopter. Pour l'essentiel, deux méthodes s'opposent. L'approche dominante, parfois qualifiée de néo-classique, accorde une place privilégiée aux comportements individuels. Tout ne serait alors qu’une question de rattrapage, les pays ayant des points de départ différents.
La thèse dite de la convergence, avancée par Robert Solow au début des années 1960, se situe dans cette perspective : les pays sous-développés auraient un taux de croissance plus élevé que les pays développés, et rattraperaient leur retard progressivement. Dans les années 1980, devant le retard grandissant d'un certain nombre de pays (notamment en Afrique), l'accent est mis sur les défaillances du marché, qui empêchent ou freinent le rattrapage. Joseph Stiglitz insiste en particulier sur les problèmes d' asymétrie d'information (tout le monde n'est pas informé de la même façon), qui érodent la confiance et freinent les décisions, à commencer par l'investissement. Les modèles dits de croissance endogène accordent, eux, une importance particulière à l'éducation et à la santé, en tant qu'éléments essentiels du capital humain de la société (David Romer et Robert Lucas ont cherché à donner une forme mathématique à cette idée qui remonte, au moins, à Adam Smith).
L'autre démarche théorique, parfois qualifiée de structuraliste, accorde davantage d'importance aux rapports entre les groupes sociaux ainsi qu'aux différences de développement entre les régions d'un même pays. Dans les années 1950-1960, les approches dites d'économie duale ( la plus célèbre étant celle d'Arthur Lewis) insistent sur la dichotomie entre secteur industriel et secteur agricole. Pour Lewis, le moteur de l'économie réside dans l'expansion du secteur industriel, résultant de l'exode rural. Or, selon lui, l'offre de main-d'œuvre dans les pays en développement est illimitée, puisque la population d'origine rurale accepte des salaires bas dans l'industrie, car ils sont tout de même supérieurs à ce qu'elle peut gagner dans l'agriculture.
Également structuraliste mais adoptant une démarche sensiblement différente, la théorie de la dépendance prend de l'importance dans les années 1970 en proposant une approche vraiment originale du développement. Partant du constat que les pays du Sud – ou de la périphérie – dépendent financièrement, commercialement et techniquement des pays du Nord – ou du centre –, elle en déduit que leur rythme de développement est tributaire des besoins des économies du centre, qui les exploitent (matières premières et main-d'œuvre payées à bas prix, moindre fiscalité, etc.). Pour les théoriciens de ce courant (comme Raul Prebisch, Samir Amin et Andre Gunder Frank), le développement des uns ne peut aller sans le sous-développement des autres.
Pour les théoriciens de la dépendance, les pays du Sud doivent profondément modifier leurs relations avec les pays du Nord. Une stratégie proposée dans cette perspective, notamment par la Commission économique pour l'Amérique latine (C.E.P.A.L.), consiste à produire sur place des produits industriels autrefois importés (industrialisation par substitution aux importations). Les pays doivent axer leur développement sur les besoins nationaux (on parle de développement autocentré), et protéger leurs nouvelles industries par des droits de douane. Le développement d'accords commerciaux avec des pays de la périphérie de même niveau de développement peut pallier l'insuffisance éventuelle de la demande interne.
Une autre stratégie de développement – dont les fondements sont très différents – est de privilégier les exportations comportant le plus de valeur[...]
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Écrit par
- Emmanuelle BÉNICOURT : maître de conférences en sciences économiques au laboratoire CRIISEA, universIté de Picardie Jules Verne
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