DÉVELOPPEMENT PERCEPTIF
Développement de la perception visuelle dès la naissance
Il serait totalement faux d’affirmer que le bébé est aveugle à la naissance, mais il est vrai qu’il n’a d’emblée ni l’acuité visuelle ni le champ visuel dont il jouira à partir de quelques mois de vie. À la naissance, cette acuité n’est que de 1/20, alors qu‘elle est chez l’adulte (dans le meilleur des cas) de 10/10. Ainsi, le nourrisson peut percevoir un objet bien contrasté de 1 centimètre de large à une distance de 50 centimètres. La progression est néanmoins rapide puisque cette acuité atteint 1/10 à trois mois, 2/10 à six mois, 4/10 à un an et devient comparable à celle de l’adulte, entre quatre et six ans. À la naissance, le champ visuel du nourrisson, c'est-à-dire l’espace vu de part et d’autre du point de fixation visuelle, est très réduit : environ 10 degrés vers le haut et vers le bas (contre 60 degrés chez l’adulte) dans le plan vertical, et 60 degrés de chaque côté (contre 90 degrés chez l’adulte) dans le plan horizontal. L’expansion du champ visuel est cependant très rapide, et quasi terminée à la fin de la première année.
L’accommodation, cette fonction qui consiste à ajuster l’œil à la distance ainsi qu’à la taille de l’information visuelle à analyser, est imprécise à la naissance, s’améliore entre deux et trois mois et rejoint celle de l’adulte avec la possibilité d’accommoder le regard sur l’image de 0 centimètre à l’infini dès trois à quatre mois.
La vision des couleurs s’acquiert elle aussi progressivement : avant trois mois, la discrimination est difficile mais, malgré cela, les jeunes bébés préfèrent les stimuli colorés plutôt que gris, à l’exception du bleu qui n’est d’ailleurs pas perçu à la naissance. La discrimination fine des couleurs débute vers deux à trois mois et évolue jusqu’au début de l’adolescence. C’est donc une fonction qui s’acquiert tardivement mais qui, dès quelques mois de vie, permet au bébé de s’orienter vers les stimuli colorés ou, à défaut, bien contrastés.
La perception des mouvements s’acquiert plus rapidement que les autres fonctions visuelles. Les résultats sont proches de ceux de l’adulte vers la 15e semaine. Cela explique sans doute pourquoi les nourrissons ont une nette préférence pour les visages humains expressifs, rieurs, grimaçants, en mouvement.
La perception de la profondeurprogresse plus lentement, et il faut attendre six mois pour qu’elle permette à l’enfant de situer les objets qui l’entourent les uns par rapport aux autres et d’en apprécier le relief, la taille et la distance.
En ce qui concerne l’exploration visuelle, le nouveau-né est capable, dès le début de sa vie, de fixer et de suivre un objet en mouvement, à condition que celui-ci se meuve lentement, qu’il soit proche de son visage (entre 20 et 50 cm) et suffisamment contrasté. Voilà pourquoi on utilise à la maternité une mire noir et blanc se déplaçant lentement devant les yeux des nourrissons de quelques heures pour tester leur vision.
À partir de dix-huit mois, la poursuite visuelle d’un objet qui se déplace est comparable à celle de l’adulte et permet à l’enfant d’explorer son environnement de façon volontaire et stratégique. La capacité à suivre un stimulus en mouvement couplée à un meilleur contrôle des mouvements oculomoteurs contribue également au développement de l’attention visuelle et en particulier de l’attention conjointe. Ce processus permet ainsi à l’enfant de s’orienter vers les mêmes informations que celles auxquelles l’adulte prête attention et constitue donc un prérequis indispensable au développement d’interactions sociales de bonne qualité.
Enfin, un des stimuli visuels préférés des nourrissons est le visage humain. Ainsi, si on lui présente simultanément deux figures, l’une évocatrice d’un visage et l’autre reprenant[...]
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Écrit par
- Sylvie CHOKRON : directrice de recherche CNRS, responsable de l'équipe Perception, action et développement cognitif, Centre de neurosciences intégratives et de la cognition, UMR 8002, CNRS, université Paris-Descartes, directrice de l'Institut de neuropsychologie, neurovision et neurocognition
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Médias