DÉVELOPPEMENT, psychologie interculturelle
Les régularités universelles du développement
Au-delà des différences, les comparaisons interculturelles révèlent certaines régularités transculturelles du développement psychologique. Ces régularités peuvent être repérées à différents niveaux d’analyse.
Tout d’abord, les comportements des enfants apparaissent parfois très semblables. C’est le cas de l’expression des émotions fondamentales (comme la colère, la joie, la tristesse, etc.). Certes, on observe bien des différences culturelles dans la fréquence des émotions, dans leur degré d’expression, dans leur symbolisation et leur catégorisation par le langage, mais l’expression elle-même, c’est-à-dire la correspondance entre ce qui est manifesté et ce qui est ressenti, est assez semblable, tout au moins si les normes culturelles n’imposent pas de contrôler cette expression. Un autre exemple est celui des manifestations de l’ attachement du bébé envers les personnes de son entourage. Comme l’ont montré les observations de Mary D. S. Ainsworth en Ouganda, et bien d’autres ensuite, les bébés manifestent leur attachement par des comportements typiques (sourires, vocalisations, protestations au départ de la mère, etc.) bien que la fréquence de ces manifestations puisse varier tout comme varient les types d’attachement. Toutefois, selon Marinus H. van IJzendoorn et Pieter M. Kroonenberg, la variabilité intraculturelle des types d’attachement apparaît plus importante que la variabilité interculturelle.
Les régularités du développement peuvent également se présenter comme des analogies fonctionnelles. Dans ce cas, les observables sont différents, mais la dimension psychologique sous-jacente est analogue. Par exemple, tous les enfants de la planète jouent à des jeux symboliques ou de fiction bien que ces jeux puissent être différents puisqu’ils imitent les comportements qu’ils observent dans le groupe. De même, les opérations intellectuelles (classer, mesurer, calculer, etc.) peuvent être semblables bien qu’elles puissent porter sur des contenus différents ou se dérouler selon des procédures spécifiques (comme le calcul avec des abaques).
On peut aussi s’intéresser à la succession développementale des compétences. En tenant compte éventuellement des analogies fonctionnelles, cette succession peut se révéler semblable. C’est ordinairement ce que l’on observe pour les tâches piagétiennes : même succession développementale des réponses pour un type de tâche donné ; toutefois, quand on compare plusieurs types de tâches, des différences culturelles apparaissent dans les âges d’acquisition en fonction des sollicitations environnementales. Ainsi, comme l’a montré par exemple Ismaël Aboubakar au Niger, les invariants de quantité de matière apparaissent plus précoces chez les enfants potiers.
Une quatrième forme de régularité est de nature corrélationnelle. Ici, pour parler simplement, les mêmes causes produisent les mêmes effets si bien que les mêmes relations entre variables se retrouvent dans les diverses cultures. Par exemple, le degré de sensibilité des mères au comportement de leur enfant apparaît quasi systématiquement relié à la sécurité du type d’attachement construit par l’enfant.
Enfin, la réalité des différences culturelles n’est pas en contradiction avec l’existence de mécanismes de développement universels. Ces mécanismes sont, par définition, de nature neuropsychologique. Comme dans le cas de l’équilibration chez Piaget, ils sont présents dès la naissance, mais peuvent conduire à des développements différents dans des environnements différents. Réciproquement, les régularités universelles ne doivent pas être systématiquement interprétées comme résultant d’un prédéterminisme (préformation ou innéisme) car elles peuvent résulter des contraintes du développement lui-même, c’est-à-dire de l’interaction entre les mécanismes de développement[...]
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Écrit par
- Henri LEHALLE : professeur émérite, université de Montpellier-III-Paul-Valéry
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