DÉVELOPPEMENT SOCIAL, psychologie
Les conduites agressives
Par contraste, les conduites agressives sont négativement orientées vers autrui. Les premières agressions physiques se manifestent de la fin de la première année au début de la troisième en réponse à des situations de frustration ou de concurrence conflictuelle, la manipulation d’un jouet par exemple. Les attitudes d’opposition/défiance associées à des conduites agressives physiques directes sont peu fréquentes, mais susceptibles d’amorcer, dès la seconde année, des cercles vicieux d’interactions coercitives-oppositionnelles au sein des relations adultes/enfants, faisant éventuellement le lit de difficultés ultérieures. Ces conduites sont-elles stables dans le temps ? La réponse a été longtemps positive, s’appuyant sur des données relatives aux adolescents et aux adultes, mais ce constat ne résiste pas à l’analyse rigoureuse des trajectoires : la fréquence des agressions physiques directes décroît de trois à onze ans, alors que celle des agressions indirectes (telles exclure d’un groupe, ignorer, dire du mal de…) s’accroît au-delà de quatre ans. Peu de jeunes âgés de six à dix-sept ans (4 p. 100) continuent de manifester un niveau élevé de conduites agressives, alors que 80 p. 100 de la population voit fortement diminuer le nombre de conduites agressives sur la même période.
Enfin, contrairement à une autre idée reçue, les conduites prosociales et les conduites agressives sont indépendantes et ne constituent pas les deux extrémités d’un continuum. Les conduites prosociales n’ont pas, par exemple, d’effet protecteur par rapport au recours à la violence physique comme il ressort d’une vaste enquête scandinave portant sur des garçons de six à dix-sept ans.
L’amélioration des outils de collecte et de traitement des données s’est doublée, ces dernières années, d’un renouveau de la conceptualisation. L’influence de la psychologie cognitive a conduit les chercheurs à s’interroger sur les représentations sociales des enfants agressifs et sur l’organisation du traitement de ces informations en situation.
C’est dans ce contexte qu’est né le modèle S.I.P. (Social Information Processing). Face à une situation sociale inductrice, une personne réagit en fonction de la façon dont elle extrait, organise et traite les informations critiques. Un processus complexe précède donc la mise en œuvre de la réponse qui, parfois, peut être court-circuitée, sous le coup d’une émotion par exemple. De fait, on a mis en évidence des spécificités dans l’encodage et la représentation des émotions chez les enfants violents. Ainsi, des enfants très agressifs de sept à treize ans se distinguent des contrôles de plusieurs façons : ils présentent un biais d’attribution hostile s’ils sont en situation de protagoniste ; après une « provocation », leurs émotions négatives sont plus intenses et les laissent davantage démunis. Dans les études longitudinales, le S.I.P. apparaît comme un médiateur des liens entre certains facteurs de risques précoces (par exemple, être un enfant victime de violences physiques) et des conduites agressives ultérieures. Par ailleurs, les interventions incluant des modifications du S.I.P. ont une réelle efficacité, et les changements intervenus dans la conduite ont pu être mis en relation avec des modifications du S.I.P.
Le développement social ne se limite évidemment pas aux seules conduites positives ou hostiles orientées vers autrui et aux représentations qui les sous-tendent. En outre, les conduites agressives ne sont pas toujours socialement indésirables (elles peuvent même être valorisées chez un sportif, un politique ou un agent commercial) ni les conduites prosociales toujours désirables pour l’émetteur : les personnes atteintes du syndrome de Williams-Beuren présentent une hypersociabilité qui peut leur porter préjudice, et plus généralement les personnes naïves[...]
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Écrit par
- Michel DELEAU : professeur émérite des Universités
Classification
Autres références
-
CONFLITS SOCIAUX
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- 15 439 mots
- 8 médias
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