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DEVENIR

L'unité du devenir

Il est bien difficile, tant du point de vue théorique que du point de vue pratique, de se satisfaire de ce disparate, comme il est d'autre part impossible d'admettre un devenir indifférencié. Justement, le devenir ne réunit-il pas l'unité et la dispersion, l'identité et la différence ?

Le changement du changement

Quelles sont les conditions d'une telle unification ? Signalons-en quelques-unes, rangées selon l'exigence d'une fondation de plus en plus stricte du devenir.

Plusieurs auteurs présentent celui-ci comme « la série des changements » (Lalande). Dans cette définition, le devenir se trouve réduit au minimum. Du moins l'idée de série suppose-t-elle l'analogie des termes associés, même si le principe d'organisation leur reste extérieur.

Mais il y a mieux que des séries : des enchaînements de changements. Ceux que la technique humaine produit intentionnellement, mais aussi ceux que l'observation active et l'expérimentation découvrent. La maturation du fruit succède régulièrement à l'épanouissement de la fleur. Ainsi se tissent des séquences de devenir, constituées par la connexion de moments différents.

L'analyse révèle en outre la présence, enveloppée et intégrée, de certaines formes du changement dans d'autres. La maturation du fruit, altération biologique, est spécifique : elle ne s'accomplirait pas sans que s'effectuent des transformations chimiques qui, à leur tour, impliquent des déplacements. Le mouvement intervient d'ailleurs dans tous les changements, sans qu'ils puissent se réduire intégralement à lui.

Néanmoins, un véritable devenir, qui est autre chose et plus que la somme des changements, répond à de plus hautes exigences. Son unité réclame que chaque type de changement ne reste pas éternellement identique à lui-même, que son apparition ne soit pas un commencement absolu, ni sa disparition un anéantissement. Il faut que le changement s'altère. Le devenir, c'est ce changement du changement, la connexion profonde entre tous les changements. Exemples : les transformations de l'énergie illustrent le passage à des niveaux divers de changement ; la mort d'un animal est transfert du niveau biologique au niveau simplement chimique du devenir.

Quantité et qualité

Hegel a minutieusement analysé ce changement du changement : c'est un renversement, le saut d'un changement à un autre, qualitativement distinct. Il se produit lorsqu'un certain degré de modification quantitative du premier changement est atteint. L'accroissement de la quantité entraîne donc la mutation de la qualité. Inversement, toute modification quantitative s'opère par adjonction répétée d'unités, de singularités qualitatives. Hegel a donné de ce jeu du changement qualitatif et du changement quantitatif de nombreux exemples. Ainsi, l'abaissement progressif de la température de l'eau provoque, au degré zéro, la mutation du liquide en solide ; au degré cent, la mutation du liquide en vapeur.

Techniquement, c'est en opérant sur la quantité d'un changement que l'on obtient la transformation prévue de sa qualité. Mais le changement quantitatif des qualités, en même temps qu'il rend compte des ruptures, assure l'unité et la continuité du devenir. Une continuité absolue, ou une discontinuité absolue des changements, nous priverait de toute possibilité de les connaître et empêcherait toute action sur eux. Le devenir se présente comme la continuité d'une discontinuité dans le temps et l'espace, comme l'unité d'une diversité. Il est le lien des ruptures, d'abord caché, mais fondamental : « le lien du lien et du non-lien ».

Hegel a voulu être le théoricien de ce devenir à la fois continu et différencié. Il a tenté de le conceptualiser et de livrer[...]

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