DEVOIR (notions de base)
Désobéir
Une difficulté demeure, dont Kant ne trouvera la solution que dans l’un de ses derniers écrits, La Religion dans les limites de la simple raison (1793). Si le philosophe voit juste en considérant que je suis « autonome » quand je respecte mon devoir moral, si c’est bien moi, et moi seul qui, en dernière analyse, choisis d’obéir ou non à la loi, ma liberté serait aussi indiscutable dans l’obéissance que dans la désobéissance. Je suis libre quand j’obéis, puisque j’aurais pu choisir de désobéir, et je suis libre quand je désobéis, puisque j’aurais pu choisir d’obéir. Mais qui pourrait sérieusement contester que j’éprouve bien davantage le frisson de la liberté dans la désobéissance que dans l’obéissance ?
Prenant comme objet de réflexion le mythe d’Adam et Ève, Kant raisonne ainsi : supposons un instant Adam et Ève obéissant éternellement à la loi divine et ne commettant à aucun moment ce que la religion a appelé le « péché originel ». Ne pensez-vous pas qu’à un moment ou à un autre les créatures de Dieu se seraient demandé si s’emparer du fruit défendu était tout simplement un acte à leur portée, un acte dont elles pouvaient réellement avoir l’initiative ? Kant affirme alors que la seule façon que nous avons d’acquérir la certitude que notre obéissance est volontaire, c’est bien de désobéir à un moment ou à un autre. Impossible de savoir que j’ai la puissance de désobéir sans désobéir concrètement !
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Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
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