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DÉVONIEN

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Le terme Dévonien a été proposé par Adam Sedgwick et Roderick Impey Murchison en 1839 pour désigner la série stratigraphique marine du Devon, dans le sud-ouest de l'Angleterre, qui s'est avérée être contemporaine des Vieux Grès Rouges du pays de Galles, du nord de l'Angleterre et d'Écosse. Il représente un système de l'ère paléozoïque (ère primaire), situé entre le Silurien et le Carbonifère. Il s'étend de – 419 millions d'années à – 359 Ma, soit une durée de 60 Ma. D'après la sous-commission internationale de stratigraphie du Dévonien (SDS, Subcommission on DevonianStratigraphy), la base du Dévonien coïncide avec la première apparition du graptolite Monograptusuniformis dans le lit no 20 de la coupe de Klonk près de Suchomasty en Bohême (République tchèque). Le point stratotypique mondial (PSM, en anglais GSSP, Global Stratotype Standard-section and Point) correspond à l'apparition du conodonte Icrioduswoschmidtipostwoschmidtiet du trilobite Warburgellarugulosarugulosa.

Le Dévonien fut longtemps considéré en Europe comme une période transitoire entre les cycles orogéniques calédonien et varisque (hercynien). Certains épisodes tectoniques tels que la phase svalbardienne du Spitzberg (d'âge dévonien tardif à carbonifère précoce) et la phase acadienne tardive du Canada oriental (d'âge néodévonien) se rattachent plutôt au cycle calédonien et à la fin de la fermeture du paléocéan Iapetus tandis que d'autres événements comme la phase majeure tectonométamorphique du Massif central français (env. – 400 à – 360 Ma) se rattachent plutôt au cycle varisque et au début de la fermeture de l'aire océanique rhéique. Quoi qu'il en soit, d'une région à l'autre, le Dévonien se présente souvent sous des faciès très différents, parfois rangés (en Europe) sous les appellations de « magnafaciès » rhénan, hercynien et Vieux Grès Rouges, dont les corrélations biostratigraphiques sont difficiles à établir. Bien que le nom du système soit dérivé d'une région d'Angleterre, c'est dans le massif ardenno-rhénan (Belgique-Allemagne) que le concept de Dévonien est né et c'est de ce massif qu'est sortie la première subdivision (Gédinnien, Siegénien, Emsien, Couvinien, Givétien, Frasnien, Famennien). Au cours du dernier tiers du xxe siècle, les travaux de la SDS ont modifié ce schéma en introduisant notamment des noms issus du Dévonien inférieur du Bassin barrandien en Bohême : Lochkovien et Praguien, venant se substituer, respectivement, au Gédinnien et au Siegénien, et le Couvinien étant remplacé par l'Eifélien. L'échelle standard du Dévonien est désormais fondée sur les conodontes. C'est à cette échelle que se réfèrent les autres échelles fondées sur les ammonoïdes, ostracodes, graptolites, brachiopodes, plantes, vertébrés.... Des progrès ont ainsi été réalisés dans la corrélation des faciès marins profonds (dits « pélagiques »), moins profonds (dits « néritiques ») et non marins (notamment une partie des Vieux Grès Rouges). L'une des caractéristiques du Dévonien est l'existence du magnafaciès des Vieux Grès Rouges (VGR), molasses tardi- et post-tectoniques déposées sur et autour du Continent des Vieux Grès Rouges (résultant de la fermeture du paléocéan Iapetus) ainsi que sur les autres masses continentales contemporaines (partie équatoriale du Gondwana, Chine du Nord, etc.). Un des débats scientifiques concerne l'interprétation des milieux de dépôt de ces VGR : non marins pour certains, partiellement marins pour d'autres.

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C'est dans ce contexte des VGR du Dévonien supérieur qu'a pris place le dernier épisode de la terrestrialisation des organismes vivants, le passage de la vie aquatique à la vie terrestre chez les vertébrés : les tétrapodes sont dérivés d'un groupe de sarcoptérygiens particulier, les pandérichthyides, connus dans le Frasnien du Nunavut, de l'est du Canada et des pays Baltes. Néanmoins, si les premiers tétrapodes étaient bien quadrupèdes, ils sont désormais considérés comme ayant été aquatiques (par exemple, Ichthyostega découvert au Groenland et en Belgique). Ils sont actuellement connus dans une douzaine de localités différentes de plusieurs paléomasses continentales : Continent des Vieux Grès Rouges, Chine du Nord, Gondwana est. Ces localités sont d'âge frasnien (Chine, Écosse, Lettonie) et famennien (Pennsylvanie, Groenland, Belgique, Lettonie, Russie d'Europe, Australie). Elles correspondent à des environnements allant du continental (fluviatile, lacustre) au marin proximal (côtier) en passant par des environnements intermédiaires (de plaine alluviale ou estuarien), mais ce sujet fait aussi l'objet de discussions. La description en 2010 de pistes de tétrapodes possibles dans l'Eifélien de Pologne fait néanmoins remonter l'apparition de ceux-ci au moins au Dévonien moyen. La répartition quasi mondiale des tétrapodes néodévoniens est un argument en faveur d'une distribution compacte des masses continentales de cette époque, suivant un modèle de type « Pré-Pangée ». C'est aussi au Dévonien qu'apparaissent les hexapodes : Rhyniella, un collembole, et Rhyniognatha, un insecte, dans le Fossil-Lagerstätte éodévonien de Rhynie en Écosse ; des archéognathes probables dans le Fossil-Lagerstätte mésodévonien de Gilboa, dans l'est des États-Unis.

En dehors de la Panthalassa, la plupart des paléocéans hérités du Paléozoïque inférieur se sont fermés au cours du Dévonien, ce qui a abouti à une configuration paléogéographique de type « Pré-Pangée ». C'est dans ce cadre qu'est intervenu le « Great Devonian Interchange » entre les parties septentrionale et méridionale de cette « Pré-Pangée » et en particulier les migrations des poissons. Tous ces événements se déroulent sous un climat globalement chaud responsable du développement de sédiments siliciclastiques oxydés (les VGR) et de roches carbonatées où prolifèrent les formations récifales. En dehors des vertébrés, le necton était constitué d'ammonoïdes prédateurs. La « faune paléozoïque », définie par John Sepkoski et constituée d'invertébrés et de vertébrés ossifiés, était aussi diversifiée qu'au Silurien.

Le Dévonien supérieur est marqué par deux extinctions biologiques : l'une à la limite Frasnien/Famennien, classée parmi les « Big Five » (les cinq extinctions en masse des temps phanérozoïques) ; la seconde à la limite Dévonien-Carbonifère, d'ampleur plus faible. Celles-ci font suite à un épisode d'anoxie de l'océan mondial, l'événement du Kellwasser supérieur et celui du Hangenberg respectivement (définis originellement en Allemagne). La crise Frasnien-Famennien a été attribuée à la conjonction d'une série de facteurs d'origine terrestre (continentalisation accrue – orogenèse acado-ligérienne, importants dépôts détritiques –, les VGR, glaciation famennienne, anoxie/dysoxie océanique) et extraterrestre (impact météoritique). Elle a porté un coup fatal à la faune cambrienne et a décimé la faune paléozoïque (au sens de Sepkoski).

— Alain BLIECK

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  • : docteur ès sciences (doctorat d'État), agrégé de l'Université, directeur de recherche au C.N.R.S.

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