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DI SOTTO, peinture

La Chambre des époux, A. Mantegna - crédits : M. Carrieri/ De Agostini/ Getty Images 

La Chambre des époux, A. Mantegna

L'expression italienne di sotto in sù (de dessous vers le haut) désigne les figures vues en raccourci de dessous ; grâce à un effet de perspective accusé, le peintre donne l'illusion que ses personnages occupent une position élevée et, dans certains cas, il crée même l'impression d'une ascension dans l'espace. Vasari, dans le chapitre iii de son Introduction aux trois arts du dessin (Introduzione di Giorgio Vasari alle tre arti del disegno cioè architettura, scultura e pittura, éd. Milanesi, Florence, 1973), nous dit que ces figures sont ainsi appelées parce qu'elles « sont en effet regardées par-dessous et non à partir de la ligne droite de l'horizon », ajoutant même que les raccourcis et les lignes fuyantes qui les définissent leur « confèrent une telle force qu'elles paraissent passer à travers les voûtes » où elles sont peintes. Réussir un dessin en raccourci devient, à partir de la Renaissance, un des thèmes favoris de la science des ateliers.

Cet aspect « ascensionnel » apparaît, au début du Quattrocento, dans un relief en stuc de Donatello, L'Ascension de saint Jean au Ciel (vieille sacristie de San Lorenzo, Florence, 1440-1442), que précèdent l'effet d'abaissement du point de fuite dans La Sainte Trinité de Masaccio (Santa Maria Novella, env. 1426-1427), et les recherches d'Uccello (Giovanni de Acuto, Santa Maria del Fiore, 1436). Mais les premiers grands effets de vue par-dessous apparaissent surtout avec Michel-Ange (plafond de la Sixtine, 1508-1512), Titien (Assomption de la Vierge de 1516-1518, église des Frari, Venise) et surtout avec Corrège (Ascension, dôme de Parme, 1520-1525). Nous avons dans ces œuvres l'application la plus étonnante du calcul des raccourcis perspectifs dont s'était préoccupé Léonard de Vinci, qui essayait, au contraire, une certaine « récupération » de la déformation visuelle en allongeant les parties les plus hautes. Dans la salle des Géants au palais du Té à Mantoue (1530-1535), Jules Romain, élève de Raphaël, montre qu'il a su profiter de toutes ces recherches. Cette nouvelle vision veut ignorer la réalité matérielle de la voûte. Il en résultera toute une série d'études et d'expériences de cette nouvelle scénographie spatiale qui confère aux Italiens une maîtrise incomparable dans la décoration des coupoles et des plafonds : un des exemples les plus surprenants de cet art au xviie siècle est le Triomphe de saint Ignace, peint par Andrea Pozzo au plafond de l'église de Saint-Ignace à Rome, en 1685, qui apparaît comme un des manifestes de l'illusionnisme baroque.

Cet art des perspectives feintes conquiert toute une partie de l'Europe (Mignard, coupole du Val-de-Grâce, Paris, 1663) ; il s'exprimera au xviiie siècle avec une légèreté exceptionnelle dans l'œuvre de Tiepolo (plafond du Triomphe d'Hercule, à Vérone, palais Canossa, 1761 ; Apothéose de la famille Pisani, à la villa Pisani de Stra, 1761-1762).

Les plafonds de théâtres et d'opéras que l'académisme décore avec prédilection au xixe siècle constituent la dernière manifestation de l'art du raccourci.

— Jean RUDEL

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres et sciences humaines, professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, peintre et écrivain

Classification

Média

La Chambre des époux, A. Mantegna - crédits : M. Carrieri/ De Agostini/ Getty Images 

La Chambre des époux, A. Mantegna

Autres références

  • RACCOURCI, peinture

    • Écrit par
    • 573 mots
    • 2 médias

    Terme désignant un effet visuel qui tend à exagérer la perspective par une réduction de celle-ci. La théorie perspective a considérablement facilité la représentation du raccourci. En Italie, dès le xve siècle — en dépit des conseils de prudence d'un Alberi —, le scorcio était...