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DIACHRONIE ET SYNCHRONIE, linguistique

Depuis Ferdinand de Saussure, on a coutume en linguistique de distinguer l'approche diachronique et l'approche synchronique du langage. Est dite « diachronique » une approche qui s'intéresse à l'évolution d'une langue au cours de son histoire. Une approche « synchronique » ne prend au contraire en compte qu'un seul et unique état de la langue considérée. Ainsi, si l'on étudie l'évolution de l'ordre des mots dans la phrase depuis l'ancien français jusqu'au français moderne, on adopte une perspective diachronique ; en revanche, si l'on étudie l'ordre des mots dans la phrase tel qu'il se manifeste seulement en français moderne, ou bien en ancien français, et sans en considérer sur l'évolution, on adopte une perspective synchronique.

Deux approches de l'étude de la langue

Ferdinand de Saussure - crédits : F.H. Jullien/ AKG Images

Ferdinand de Saussure

Avant Saussure, les deux points de vue étaient assez largement confondus : ainsi les tenants de la linguistique historique du xixe siècle (comparatistes et néo-grammairiens) tendaient-ils à tout expliquer – y compris les faits synchroniques – en termes diachroniques. C'est à Saussure qu'il revient d'avoir exposé la nécessité méthodologique et théorique de distinguer les deux perspectives, et justifié l'autonomie d'une approche synchronique de la langue à l'égard de la diachronie. Dans la première partie de son Cours de linguistique générale (1916, rééd. 1995), il introduit la différence entre la linguistique synchronique (ou « linguistique statique ») et la linguistique diachronique (ou « linguistique évolutive ») au titre des principes généraux fondant la possibilité même d'une étude scientifique de la langue : pour lui, il s'agit de « deux routes absolument divergentes ». La linguistique synchronique, à laquelle est ensuite consacrée la deuxième partie du Cours, doit « s'occuper des rapports logiques et psychologiques reliant des termes coexistants et formant système, tels qu'ils sont aperçus par la même conscience collective », alors que la linguistique diachronique, qui fait l'objet de la troisième partie de l'ouvrage, doit « étudier au contraire les rapports reliant des termes successifs non aperçus par une même conscience collective, et qui se substituent les uns aux autres sans former système entre eux ». Les deux démarches linguistiques s'opposent dans leurs méthodes et dans leurs principes ; de plus, elles ne sont pas d'égale importance : la première prime sur la seconde.

Pour Saussure en effet, les rapports synchroniques entre termes au sein de la langue peuvent et doivent être étudiés indépendamment de l'histoire de ces termes : c'est seulement dans cette perspective qu'ils peuvent être appréhendés comme formant système. À ses yeux, un état de langue n'est jamais voulu ni éclairé par l'évolution, il est toujours fortuit ; quant au fait diachronique, il a sa raison d'être en lui-même, et les conséquences synchroniques qui peuvent en découler lui sont étrangères. Cette opposition entre synchronie et diachronie est solidaire d'un autre grand principe de classification, à savoir la distinction entre la « langue » et la « parole ». En effet, « tout ce qui est diachronique dans la langue ne l'est que par la parole », avant d'entrer ensuite dans l'usage et de devenir alors un fait de langue.

La linguistique postsaussurienne, tant structuraliste que générativiste, a très largement repris à son compte la distinction entre l'étude synchronique et l'étude diachronique de la langue. Pendant plusieurs décennies, ce sont surtout les travaux synchroniques sur des états de langue particuliers qui ont prévalu. La perspective diachronique resta alors principalement cantonnée dans le domaine phonétique : les études de phonologie[...]

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