DIANE DE POITIERS (1499-1566)
Symbole de la féminité d'une époque et célèbre pour sa beauté, Diane est aussi l'un des très grands noms de la politique française du milieu du xvie siècle. Née à Poitiers, fille de Jean de Poitiers, comte de Saint-Vallier, mariée dès quinze ans à Louis de Brézé, grand sénéchal de Normandie, elle est d'abord dame d'honneur de la reine. Lors de la trahison du connétable de Bourbon en 1523, elle obtient de François Ier la vie sauve de son père, compromis dans l'affaire. Victor Hugo a popularisé l'épisode dans Le roi s'amuse. Veuve en 1531, Diane affiche sa liaison avec le Dauphin en 1536 et devient le centre de l'opposition au roi groupée autour du futur Henri II : le connétable Anne de Montmorency en est l'âme. Autour du roi vieillissant se resserre la garde des vieux fidèles : l'amiral Annebault et le cardinal de Tournon. Ce groupe l'emporte d'abord, surtout entre 1541 et 1543, entraînant la disgrâce passagère de Diane. En dépit de son mariage avec Catherine de Médicis le 28 octobre 1533 et de la différence d'âge, le Dauphin lui reste fidèle. C'est donc autour d'elle que s'opère le renouvellement du personnel royal à la mort de François Ier en 1547. Intelligente mais implacable dans ses haines, cultivée mais soucieuse d'amasser avant tout une grosse fortune, elle est passionnément catholique et n'est pas étrangère aux persécutions antiprotestantes du règne de Henri II. « Conseillère du prince », élevée en 1548 à la dignité de duchesse du Valentinois, elle s'appuie sur sa clientèle des Montmorency et des Guise, tandis que le roi, fidèle jusqu'au bout, porte encore au tournoi fatal de 1559 les couleurs de sa dame, le blanc et le noir, et marie le monogramme royal à celui de sa maîtresse, sigle ambigu où l'on peut lire aussi, et en même temps, l'initiale de Catherine l'Italienne. Celle-ci, veuve et régente, prend sa revanche sur sa rivale, lui enlève Chenonceaux, l'exile de la cour. Retirée à Anet, Diane y reste jusqu'à sa mort.
Que n'a-t-on pas dit sur la beauté de Diane, qui la fait paraître « vingt ans plus jeune qu'elle n'est » ? Les dames de Brantôme ont essayé d'imiter ses recettes de fard, son bain froid matinal, sa chevauchée quotidienne de deux ou trois heures. Elle fut, en tout cas, un grand mécène, protectrice de Philibert Delorme, constructeur du château d'Anet (1547-1552), dont il ne reste, hélas, que le portail d'entrée marqué de l'effigie mythologique de la maîtresse des lieux et l'admirable chapelle. Les lettres de Diane, éditées en 1866, ne manquent pas d'intérêt historique. Reste son iconographie, dont il faut tenter de distinguer la typologie. On s'accorde à reconnaître le portrait réel de Diane dans la toile anonyme de Versailles, en coiffe de veuve, la statue orante du tombeau de la cathédrale de Rouen, le Clouet du musée de Chantilly, un dessin du Louvre et, peut-être, dans la chasseresse étendue du Louvre. Elle a été, en outre, l'inspiratrice, ou plutôt l'une des inspiratrices, du stéréotype français de la femme. Dans l'art de cour somptueux et raffiné de l'époque maniériste, les grandes dames chères à Brantôme ont volontiers servi de modèle. On connaît l'admirable portrait de la National Gallery de Washington, signé de Clouet, celui de la collection Wildenstein, Sabina Poppea, dont il existe tant d'exemplaires (Genève, musée de Bâle, Versailles). On peut y joindre quelques-unes des allégories, dont celle de la Paix du musée Granet d'Aix-en-Provence. En dehors de ces deux types, où les traits de Diane se mêlent à bien d'autres (cérémonie de cour du bain-spectacle ou portrait typé en Poppée), existe, en outre, le poncif mythologique des Bains de Diane, dont celui de Rouen, où[...]
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Écrit par
- Jean MEYER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
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