DIASPORA
Diaspora grecque
Le terme « Grecs » était donné par les Occidentaux depuis la fin du Moyen Âge aux adeptes du « rite grec » de l'Église orthodoxe. Ce terme s'appliquait surtout à la population citadine grécophone de la région égéenne qui ne cessait de fonder des communautés en Anatolie, en Afrique du Nord et en Italie. Ces Grecs émigrèrent en plus grand nombre à partir du xive et du xve siècle pour fuir le « joug ottoman » ; c'était, d'une part, une petit nombre de Grecs instruits qui s'enfuirent en Europe occidentale et en Russie au lendemain de la prise de Constantinople (1453) et, d'autre part, des tribus albanaises et maniotes (ou maïnotes) du Péloponnèse, compromises avec les Vénitiens dans leur lutte contre les Ottomans, qui partirent en Italie du Sud, en Sicile et en Corse (Cargèse). Le mouvement se poursuivit pendant les deux siècles suivants, avec la conquête par les Ottomans du Péloponnèse (xvie siècle), de Chypre (1571) et de la Crète (1669).
Les premières migrations eurent un caractère spécifique : des nobles, savants et militaires s'installèrent en Italie et dans d'autres pays d'Europe, répondant aux possibilités d'accueil qu'offraient, pour les uns, les cours des princes et le climat intellectuel de la Renaissance, pour les autres, les pratiques militaires de l'époque (stradiots) ; les établissements ruraux constituaient le débouché des migrations massives, telle celle des Maniotes en Corse, au xviie siècle, et dans les maremmes de Pise et de Sienne. Ces migrations ont été possibles grâce à la structure sociale des populations émigrées, qui permettait leur mobilisation massive, d'une part, et leur cohésion, de l'autre, dans le pays d'accueil. La composition des populations émigrées pour des motifs non économiques contraste avec celle des populations émigrées pour des raisons commerciales ; ainsi les registres paroissiaux de Venise au xvie siècle montrent que la colonie grecque de cette ville était composée, pour l'essentiel, de galeotti (sorte de galériens) et de marins. Naples, Livourne, Ancône et Trieste sont, avec Venise, les principaux points de la migration grecque en Italie : les colonies, dotées de privilèges, se livrent au commerce d'importation et d'exportation ainsi qu'à des opérations de banques et d'assurance maritime. Tandis que pendant les deux premiers siècles les émigrants provenaient surtout des possessions vénitiennes en Grèce, à partir du xviie siècle la migration résultant de l'activité commerciale touche les régions sous domination ottomane.
À cette époque, l'Église orthodoxe fit, avec l'assentiment du pouvoir ottoman, un grand effort de grécisation de tous les peuples des Balkans et d'Anatolie imprégnés de civilisation byzantine (Romania) et se donnant volontiers le nom de « Roméi » ou de « Romani » (Romains). Ainsi une grande masse de nouveaux Grecs, les Sarakatsans du Centre et du Sud balkaniques, renforça les anciens courants d'émigration des Grecs citadins et en créa de nouveaux, abandonnant rapidement le nom de Roméi pour adopter celui d'« Hellènes » (xviiie s.) et renforçant les restes de toutes les anciennes colonies grecques de la Méditerranée et de la mer Noire ; ils pénétrèrent dans les villes et bourgs propres au négoce jusqu'au-delà du Danube, puis s'installèrent dans les grandes villes de l'Europe centrale et de l'Europe occidentale et suivirent les traces des colons occidentaux en Asie, en Afrique et aux Amériques. Des communautés grecques, dont l'origine ethnique (albanaise, sarakatsane, slave, moldo-valaque ou anatolienne) est difficile à discerner, sont établies dès la fin du xviiie siècle au Siam, aux Indes (Calcutta, Dacca, Bombay, Karachi...) et, dès le milieu du xviiie siècle, en Iran,[...]
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Écrit par
- Spyros ASDRACHAS : chargé de conférences à l'École pratique des hautes études
- Vicken CHETERIAN
:
director of programmes , Cimera - Kamel DORAÏ : chercheur C.N.R.S., docteur en géographie, Institut français du Proche-Orient, Damas, Syrie, et Mingrinter, Poitiers, France
- Thibaut JAULIN : doctorant à l'université d'Aix-Marseille-III (sciences politiques)
- Claudine LOMBARD-SALMON : docteur ès lettres, chargée de recherche au C.N.R.S.
- Raoul VANEIGEM : écrivain
- Emmanuel ZAKHOS-PAPAZAKHARIOU : docteur de troisième cycle
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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