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DICTATURE

Crises sociales et dictature

La problématique

Les sociétés humaines sont caractérisées par un conflit permanent entre les privilégiés et les désavantagés, les riches et les pauvres, les oppresseurs et les opprimés. Cette lutte des classes ne correspond pas nécessairement aux schémas marxistes et elle ne repose pas forcément sur la propriété privée des moyens de production. Mais elle existe toujours. Cependant, elle est souvent atténuée par l'inconscience des exploités, par leur accoutumance à l'exploitation, ou encore par le fait que leur situation est relativement vivable et qu'elle s'améliore.

Dans cette dernière hypothèse, il existe un consensus relatif sur les structures politiques. Bien que tout le monde ne soit pas satisfait, tout le monde ou presque accepte les règles du jeu, qui sont ainsi considérées comme légitimes. Alors l'État peut être plus ou moins tempéré, en même temps que fondé sur des procédures régulières. Mais si la lutte des classes s'aggrave, soit parce que la situation des opprimés empire, soit parce qu'ils deviennent plus conscients de leur oppression, le consensus sur les institutions politiques disparaît et la violence se développe. Les dictatures surgissent d'ordinaire dans une telle situation.

L'histoire

À travers l'histoire, les dictatures se développent davantage à certaines époques qui correspondent aux grandes mutations sociales. Ainsi la grande épidémie de dictature dans la Méditerranée grecque aux viie et vie siècles avant J.-C. : les « tyrannies » correspondaient à l'éclatement des cités agraires aristocratiques, sous la poussée du commerce et de la navigation. La bourgeoisie nouvelle et la plèbe constituée par ses ouvriers, ses employés, ses auxiliaires, devenues puissantes, n'acceptaient plus la domination de l'aristocratie agricole, ni son idéologie, ni son système de civilisation. La République romaine se trouvait dans une situation analogue au ier siècle avant J.-C., au moment des grandes dictatures de Marius, de Scylla, de César.

Dans l'Europe de la fin du Moyen Âge et du début de la Renaissance, les conflits sont du même genre. Le développement de l'artisanat, du commerce, des communications, voire de l'industrie, secoue le vieux système féodal. La crise évoluera parfois à l'intérieur des structures existantes, qu'elle bouleversera profondément sans les abattre : les monarchies modernes centralisées en seront l'aboutissement. La féodalité plus émiettée, et surtout les villes plus développées et plus autonomes, le conflit provoquera l'avènement de dictatures assez proches, toutes proportions gardées, de celles de l'Antiquité grecque et romaine : ainsi dans les cités italiennes, allemandes ou flamandes. Les guerres de Religion aggraveront les antagonismes : mais elles sont en partie la conséquence de ceux-ci plutôt que leur cause, bien qu'elles dépassent largement le concept de lutte des classes.

Les bouleversements sociaux qui ont suivi les révolutions industrielles et le développement du capitalisme ont entraîné de nouvelles vagues de dictatures à l'époque moderne. Celles de Cromwell et de Bonaparte appartiennent à la première vague, bien qu'elles se différencient profondément l'une de l'autre : elles correspondent à la lutte de la bourgeoisie industrielle et commerçante contre l'État monarchique et aristocratique. Hitler, Mussolini, Staline... appartiennent à la deuxième vague : ils s'identifient à l'antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat industriel que son développement a engendré, et qui n'accepte pas l'État capitaliste libéral.

Les dictatures de l'Amérique latine, du Moyen et de l'Extrême-Orient, de l'Afrique correspondent à des situations intermédiaires, compliquées par l'impérialisme et le colonialisme des nations[...]

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Salazar - crédits : ullstein bild/ Getty Images

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