DIDACTIQUE La didactique de la langue maternelle
Diversité et spécificité de la didactique de la langue maternelle
Si l'une des premières tâches d'une didactique est de construire des contenus et des démarches pour l'enseignement-apprentissage d'une discipline scolaire, il est évident que la multiplicité des objectifs poursuivis dans le domaine de la langue maternelle rend cette tâche particulièrement ardue. Dans le contexte francophone, l'enseignement de la discipline n'a cessé de s'étendre aux domaines les plus variés, jusqu'à faire de l'enseignant de français, le « spécialiste de tout » (de la langue, avec ses composantes que sont la grammaire, le lexique ou l'orthographe, mais aussi de l'expression orale et écrite, de la lecture et de la littérature, et, encore aujourd'hui, des discours dans leur diversité, voire de l'image, sans compter les dimensions culturelles inhérentes à l'examen des textes). C'est dire que la question des priorités fait débat sur le terrain institutionnel et dans l'énoncé des programmes, mais configure aussi d'une certaine manière les directions empruntées par la recherche.
De fait, chaque sous-discipline de la didactique de la langue maternelle requiert une lucidité particulière pour délimiter ses objets et prévoir leurs modes de traitement : la nécessité d'un enseignement de l'oral doit surmonter le flou conceptuel de la notion elle-même et amener entre autres une réflexion sur la didactisation difficile des travaux portant sur la langue parlée ; l'approche du vocabulaire conduit à examiner les liaisons lexique-grammaire, lexique-textualité, lexique-culture, et apparaît comme un exemple révélateur des problèmes du décloisonnement intra-disciplinaire ; l'approche de la grammaire peut, moins que jamais, faire l'économie d'une réflexion sur le modèle de langue à enseigner (l'interrogation sur la pluralité des normes est-elle une dimension fondamentale de l'activité grammaticale ?), sur la relation entre formes et sens, sur l'articulation grammaire de phrase/grammaire de texte et, plus généralement, sur la multiplicité des niveaux d'analyse de la langue ; la lecture et l'écriture posent la question de leurs supports, c'est-à-dire d'une diversification de plus en plus étendue des textes et discours qui appelle une réflexion classificatoire, typologique, à la fois indispensable et dont il faut mesurer les limites ; une didactique de la littérature, de plus en plus consistante, travaille à réconcilier les approches systémiques et formelles des œuvres avec leurs dimensions culturelles et subjectives.
C'est en fonction de ces diverses directions que de nouveaux référents théoriques ont été convoqués ces dernières années : la vogue communicative impliquait l'ouverture vers la sémiologie et les problématiques interactionnistes ; le « dépassement » de la phrase vers le texte et le discours mobilisait les théories de l'énonciation, la pragmatique, l'analyse des discours, la grammaire textuelle ; la préoccupation de l'illettrisme et des difficultés d'entrée dans la culture de l'écrit réclamait l'appel aux champs sociologique et ethnologique... On pourrait multiplier les exemples de cette pluralité de références au champ scientifique, sans doute génératrice d'un effet d'éclatement. D'autant que, dans cette didactique, plus qu'ailleurs sans doute, la relation aux pratiques sociales de référence (par exemple, la compétence du lecteur expert, celle du scripteur polyvalent, ou les figures toujours présentes de l'orateur ou de l'écrivain) ne peut être sous-estimée.
C'est pourquoi la recherche d'un paradigme disciplinaire organisateur et globalisant constitue l'axe même du travail en didactique de la langue maternelle et donne lieu à des propositions[...]
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Écrit par
- Jean-Paul BRONCKART : docteur en psychologie, professeur ordinaire de didactique des langues à l'université de Genève
- Jean-Louis CHISS : maître de conférences à l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud
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