LOCKWOOD DIDIER (1956-2018)
Avec un sens aigu de l’improvisation et une volonté insatiable de transmettre au plus grand nombre, Didier Lockwood a donné une place de choix au violon dans le jazz en France au tournant des xxeet xxie siècles. Pourtant, cet instrument a longtemps été un intrus dans cet univers musical et, malgré tout leur talent, rares sont les instrumentistes qui – à l’instar de Joe Venuti, Eddie South, Stuff Smith, Ray Nance, Michel Warlop ou, plus près de nous, Jean-Luc Ponty et Zbigniew Seifert – ont pu durablement inscrire leur nom au palmarès des grands improvisateurs. Seul parmi eux, Stéphane Grappelli, conjuguant technique classique, élans tsiganes, échos de bals musettes et souplesse d’un swing lumineux, a acquis une large et durable popularité. À son image, Didier Lockwood a su mêler, dans un parcours sans frontières qui a fait son miel de toutes les musiques du monde, l’improvisation à la rigueur et à la technicité instrumentale. Cette véritable bête de scène – on compte plus de quatre mille concerts à son actif – était dotée d’un don évident pour se nourrir de l’air du temps et d’un sens exceptionnel du spectacle. Il a su rencontrer et enthousiasmer un très vaste public, non sans hérisser parfois une partie de la critique spécialisée.
Issu d’une famille franco-écossaise, Didier Lockwood naît à Calais le 11 février 1956. Sa mère est peintre amateur et son père est à la fois instituteur et professeur de violon au conservatoire local. Dès l’âge de six ans, l’enfant y fait ses premières armes, avant d’être appelé par l’orchestre lyrique du théâtre municipal de sa ville natale. Il a seize ans quand il remporte à la fois le premier prix de violon au conservatoire de Calais et le premier prix national de musique contemporaine de la SACEM, qui récompense l’une de ses compositions pour violon préparé. Dès cette époque, son frère aîné Francis, qui commence à se faire remarquer comme pianiste, l’initie au jazz et à l’improvisation. À dix-sept ans, le jeune violoniste est reçu premier à l’examen d’entrée de l’École normale de musique de Paris, mais préfère s’écarter du parcours balisé qui l’attend en se lançant pour trois ans dans l’aventure du groupe de jazz-rock progressif Magma qu’anime Christian Vander et dans lequel son frère joue déjà. Didier Lockwood adopte alors le violon électrique qui lui offre la puissance, la réverbération et les effets sonores que la guitare amplifiée a conquis quelques années plus tôt. Le jeune homme en exploite toutes les possibilités, dans le monde du jazz-rock et de la fusion, avec Zao, Surya, Uzeb, les musiciens Allan Holdsworth, Mike Stern, et crée son propre ensemble, le Didier Lockwood Group. Cela ne l’empêche nullement de côtoyer Stéphane Grappelli et la fine fleur du jazz français : Martial Solal, Aldo Romano, Daniel Humair, André Ceccarelli, Henri Texier, Richard Galliano, François Jeanneau, Didier Levallet, Jean-François Jenny-Clark, Bernard Lubat, Philip Catherine, Christian Escoudé ou Michel Petrucciani.
Avide d’élargir sans cesse ses horizons esthétiques, Didier Lockwood peut tout aussi bien dialoguer avec le flûtiste turc (joueur de ney) Kudsi Ergüner, s’intégrer dans un trio à cordes manouche, s’immerger avec le danseur et musicien Raghunath Manet dans la tradition indienne, visiter avec passion la musique klezmer ou improviser avec Claude Nougaro. Il collabore avec des jazzmen américains, comme Miles Davis, Herbie Hancock, Elvin Jones ou encore Dave Brubeck. Didier Lockwood est aussi l’auteur de plusieurs musiques de film : Lune froide (Patrick Bouchitey, 1991), Les Enfants de la pluie (Philippe Leclerc, 2003), La Reine Soleil (Philippe Leclerc, 2007), Victor Young Perez (Jacques Ouaniche, 2013) et Abus de faiblesse (Catherine Breillat, 2014). Sa première épouse, Caroline Casadesus, chanteuse lyrique et fille du chef d’orchestre[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Média