VERMEIREN DIDIER (1951- )
Bien qu’elle s’inscrive dans les problématiques moderne et contemporaine de la sculpture – depuis Rodin jusqu’à l’art minimal – l’œuvre de Didier Vermeiren (né en 1951 à Bruxelles) ne se limite pas à une archéologie des formes et des processus de fabrication. Surtout connu pour ses « répliques » de socles de sculptures de Rodin, le travail de Vermeiren apparaît comme une sorte de système fermé, évoluant peu. À partir d’un simple constat, le volume part du sol et revient au sol, l’artiste déploie toutes les possibilités physiques et visuelles du mode de production et de présentation de la sculpture.
Les premières sculptures de Didier Vermeiren datent du début des années 1970 ; le sculpteur met au point sa méthode de création en 1978 avec trois œuvres, notamment Bois peint, 1978, basé au M.O.M.A de New York, supportant le Saint Jean-Baptiste prêchant d’Auguste Rodin, bronze, 1878, qui est la réplique exacte (sauf le matériau), par ses dimensions et sa forme, du socle sur lequel est présentée l’œuvre de Rodin. Dans ce prolongement, il réalisera des répliques de socles en utilisant désormais le même matériau que celui de l’œuvre posée sur le socle original : plâtre, bronze ou marbre. Enfin il exécutera plusieurs répliques du même socle, les plaçant l’une sur l’autre comme dans la sculpture traditionnelle et variant leurs positions – empilées, tête-bêche, sur le côté, basculées, retournées. De même pour les matériaux : ainsi, la « base » peut emprunter son matériau à la sculpture d’origine alors que le socle posé sur elle peut être fait soit dans le même matériau, soit dans un autre matériau que celui du socle et que celui de la sculpture originale. Il peut encore tirer d’autres répliques, d’après ses premières répliques, qui sont ainsi comme l’envers du socle copié, le moulage positif devenant un moulage négatif, un négatif devenant un autre négatif, etc. Vermeiren exhibe également la texture de ses répliques – la problématique du matériau étant un enjeu de la modernité –, laissant nettement apparaître le granulé du plâtre tantôt à l’intérieur tantôt à l’extérieur du socle répliqué, ou encore les structures métalliques qui servent au maintien de l’ensemble. Cette méthode de modulations, séries, répétitions, dédoublements, reproductions, utilisée par l’art minimal, est ici radicalement détournée, puisqu’il s’agit de faire des répliques des socles réels de sculptures à part entière. À partir de socles de Rodin, de Brancusi, de Carl Andre, parmi d’autres, Vermeiren pousse jusqu’au bout cette logique qui veut faire du support, de ce qui ne se remarque pas habituellement dans une sculpture, qui n’est pas digne du regard puisqu’il ne fait que porter l’œuvre à contempler, un objet sculptural autonome. Le socle devient ainsi une œuvre, que l’on pourrait qualifier d’abstraite, comprenant toutes les caractéristiques plastiques propres aux objets qu’il est censé présenter.
Dans les années 1990, Didier Vermeiren a continué son travail sur le vide et le plein mais en dégageant complètement les structures métalliques, et en les montant parfois sur de petites roues qui, même fixées sur une base, donnent encore l’idée du mouvement. C’est ainsi que l’œuvre située en plein air dans le parc de Middelheim, près d’Anvers (Sans titre, 1994), a une large base carrée comportant à chaque coin ce qui ressemble à des volumes rectangulaires totalement évidés et dont il ne reste que les lignes de métal, montés sur des roulettes tournées dans des directions différentes. Toujours situé dans son rapport au sol, le socle semble ainsi vouloir se libérer de l’une de ses données essentielles, l’immobilité. Le socle massif de ses sculptures des années 2000-2010 est légèrement surdimensionné, en bois peint ou en plâtre. Parfois aplati au sol ([...]
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Écrit par
- Jacinto LAGEIRA : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art
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