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DIDYMES

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La célébrité de Didymes est due au sanctuaire d'Apollon Didymaios, le Didyméion,, implanté en bordure des côtes égéennes, à 17 kilomètres environ au sud de Milet, dont il était dépendant. Il appartenait d'abord à la famille des Branchides, puis il devint le plus grand sanctuaire de la cité, sans doute après la prise de Milet par les Perses.

Fouillé et étudié d'abord par des savants français, le sanctuaire et son temple monumental furent dégagés par l'Institut archéologique allemand qui en entreprit l'exploration en 1904 — tâche considérable puisqu'une forteresse médiévale et un village turc s'y étaient installés — et publia les comptes rendus des recherches. Fouilles anciennes, et recherches récentes, menées par Klaus Tuchelt depuis les années 1970, permettent de restituer l'histoire et l'évolution de ce sanctuaire oraculaire d'Apollon, complémentaire mais aussi rival de ceux de Claros et de Delphes, souvent cités dans les textes relatifs aux oracles apolliniens.

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Le sanctuaire fut établi auprès d'une source, entourée à la fin de l'époque géométrique (~ viiie s.) par une construction de plan rectangulaire, ouverte à l'est. On ignore s'il s'agit d'un édifice couvert dont les proportions évoquent les premiers temples de l'Héraion de Samos ou d'un enclos sacré. Dans la seconde moitié du ~ vie siècle, l'édifice ancien est remplacé par un temple monumental dont le plan original et les particularités s'expliquent par la fonction oraculaire et la nécessité d'intégrer au dispositif architectural les éléments cultuels, en particulier la source et le laurier sacré dont les textes, même tardifs, font mention, alors que la source elle-même a disparu par suite de phénomènes géologiques — disparition qui fut attribuée par la tradition à l'armée des Perses et à la destruction du sanctuaire, qui suivit celle de la ville, en ~ 494.

Ce premier temple, de vastes proportions, comme ceux d'Artémis à Éphèse, ou d'Héra à Samos (dimensions : 38 m × 85 m), était un grand diptère d'ordre ionique. La cella présentait la particularité d'être hypèthre (à ciel ouvert) — et elle le resta, ce qui fit dire à Strabon que le temple était inachevé. On connaît mal le dispositif d'accès à cette partie centrale ouverte de l'époque archaïque, mais il comportait déjà, comme dans le plan hellénistique, une chapelle construite près de l'emplacement de la source pour abriter la statue de culte, œuvre de Canachos de Sicyone, qui fut emportée par les Perses à Suse. Les recherches de Tuchelt et de Drerup ont permis de reconnaître le système à pilastres des murs intérieurs de la cella qui prenait appui au niveau même du sol intérieur, dispositif auquel Drerup attribue un caractère oriental. Les colonnes ioniques du péristyle sont connues par quelques éléments de chapiteaux, par les restes d'un tambour inférieur qui portait des reliefs sculptés à l'image de l'Artémision d'Éphèse. La colonnade reposait sur une crépis réduite, sans doute à un ou deux degrés suivant la tradition de l'Ionie. Aux alentours du temple, quelques édifices mineurs ornaient le sanctuaire.

Le temple du ~ vie siècle eut sans doute à souffrir de l'attaque des Perses. Mais à la libération de Milet, l'oracle, qui s'était tu pendant l'occupation, reprit ses fonctions dans un édifice plus ou moins restauré. C'est seulement vers la fin du ~ ive siècle, ou tout au début du ~ iiie, que les Milésiens, avec l'aide des premiers Séleucides, mettent en chantier un nouveau temple dont les architectes sont connus : Paionios d'Éphèse et Daphnis de Milet. De proportions encore accrues (51 m × 109 m), ce « monstre » de l'architecture grecque conserve les dispositions générales du précédent : plan diptère, cella ouverte avec un adyton, zone d'accès restreint délimitée par un mur, une balustrade ou une différence de niveau (qui fut reconstruit à la fin du ~ ive siècle, avant le grand temple), grands murs intérieurs ornés de pilastres ; mais le caractère monumental et les dispositions liées à l'oracle furent accrues et transformées dans une perspective plus grandiose. Le temple fut dressé sur un haut podium qui recouvrit toutes les substructions du temple précédent. Une crépis à sept degrés, dix en façade, reçut les colonnes ioniques du diptère ; à l'est, le pronaos fut traité comme une vaste salle à douze colonnes, le dodécastyle. Ce pronaos jouait un double rôle : c'était la voie d'accès qu'il fallait traverser pour atteindre les deux couloirs voûtés permettant de descendre en pente douce vers l'adyton où se faisait la consultation oraculaire. Celle-ci était confiée à un prophète, et non à une femme, comme prenaient soin de le souligner les auteurs anciens — tradition dérivée du culte familial primitif des Branchides ; c'était aussi la salle d'attente des consultants ; là ils apprenaient la réponse du dieu, donnée par le prophète du haut de la porte monumentale de la cella. Cette porte, dont le seuil était situé à 1,50 m au-dessus du dallage de la salle dodécastyle, constituait, en effet, par ses proportions une véritable tribune.

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Un dispositif très complexe confère un aspect grandiose au temple. Le haut mur intérieur, enveloppant la cour sur les côtés nord, ouest et sud se décompose en deux éléments : un podium de 3,50 m de haut, correspondant à la crépis extérieure, puis, au-dessus d'une assise moulurée formant le couronnement du podium et le soubassement des piliers, un haut mur rythmé par des pilastres, dont les chapiteaux sont décorés de motifs d'acanthe et d'animaux fantastiques. Au fond de la cour, vers l'ouest, se dresse une façade ionique de la chapelle cultuelle. À l'est, entre le débouché des deux couloirs voûtés, se développe une monumentale rampe d'escalier qui donne accès à une salle à deux colonnes corinthiennes. C'est de cette salle que le prophète s'avançait dans la vaste baie ouverte sur le dodécastyle et donnait la réponse à la consultation oraculaire. De part et d'autre de la salle à deux colonnes se trouvaient des couloirs et des rampes d'escalier (le labyrinthe désigné par les inscriptions) donnant accès à une terrasse supérieure.

Le temple de Didymes apporte une documentation importante à l'historien de l'architecture. Les fouilles ont livré de très nombreux textes qui contiennent les comptes de construction du temple. On peut suivre ainsi les diverses étapes de ce vaste programme, trop important pour une cité comme Milet, qui n'a pu le mener à son terme que grâce aux donations faites pendant deux siècles par les princes hellénistiques. Ainsi peut-on définir les divers moments de la construction avec suffisamment de précision pour dater les transformations du riche décor qui fait de ce temple une sorte de répertoire des motifs décoratifs architecturaux de l'époque hellénistique.

— Martine Hélène FOURMONT

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Écrit par

  • : archéologue, rédacteur en chef de la Revue archéologique, ingénieur du C.N.R.S., Institut de recherche sur l'architecture antique, Centre de documentation photographique et photogrammétrique

Classification

Autres références

  • SANCTUAIRE, Grèce hellénistique et Rome antique

    • Écrit par et
    • 8 295 mots
    • 4 médias
    ...ressources de la nouvelle architecture furent mises à contribution pour engendrer rationnellement, si l'on peut dire, le sentiment de la transcendance. L'illustration la plus remarquable en est le complexe apollinien de Didymes près de Milet, dont la reconstruction complète ne fut pas entreprise...

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