GIACOMETTI DIEGO (1902-1985)
Durant la plus grande partie de sa vie, Diego Giacometti fut connu comme l'« autre » Giacometti, le frère désintéressé et indispensable du sculpteur Alberto Giacometti. Diego était l'associé d'Alberto, son assistant, son confident et son modèle. Il fabriquait les armatures des sculptures de son frère, veillait à la fonte des bronzes et appliquait la patine, et sauvait parfois les œuvres d'Alberto du désir que pouvait avoir celui-ci de les détruire.
Après la mort d'Alberto, en 1966, la carrière de Diego prit son essor. Au cours des années 1930, il avait assisté son frère dans la réalisation de pièces destinées au célèbre décorateur Jean-Michel Frank. Dès les années 1950, il avait commencé à créer du mobilier en bronze et, lorsqu'il n'eut plus à servir que lui-même, la création de meubles devint pour lui une vocation. Il fabriquait des sièges et des tables et répandait sur leur armature noueuse et rustique toute une faune : grenouilles, souris, cerfs, renards, chiens et chats perchés sur les barreaux et les montants, tantôt au repos, tantôt en train de se flairer, prêts à bondir parfois, ou sur le point de se livrer à quelque jeu. Un mélange de familiarité et de sévérité, de fantaisie enfantine et de hiératisme romain ou égyptien concourait à donner à l'œuvre sa vitalité. Il caractérisait aussi Diego lui-même.
Quoique inséparables, Alberto et Diego étaient aussi très différents. Ils naquirent tous deux au hameau de Stampa, dans la vallée de Bergell, en Suisse italienne — Alberto en 1901, Diego en 1902. Dès sa jeunesse, Alberto, qui marchait sur les traces de son père Giovanni, peintre suisse de renommée nationale, se plut à lire, à dessiner. Les plaisirs de Diego étaient plus physiques. Il aimait la montagne et parfois faisait de l'escalade en solitaire ; il aimait aussi voyager. Il comptait surtout sur la camaraderie née des conversations entre amis.
Alors qu'Alberto se sentait chez lui dans l'atelier de son père, où il apprit à dessiner, Diego était sensible au charme du logis familial dont la plupart des meubles avaient été fabriqués et peints ou sculptés par Giovanni.
Mais il y a cependant des analogies entre les œuvres des deux frères. Alberto et Diego emportèrent avec eux à Paris, dans les années 1920, les traditions artisanales séculaires de la vallée de Bergell. Dans l'œuvre de l'un et de l'autre, les surfaces paraissent érodées et, malgré cela, leurs filaments de plâtre ou de bronze semblent indestructibles. Tous deux comprenaient également l'importance des proportions et de l'échelle. Leur besoin d'échelle provenait aussi de leur vallée alpestre, où le proche et le lointain sont souvent confondus.
C'est dans l'atelier d'Alberto, où Diego modela maintes et maintes fois pour son frère après la Seconde Guerre mondiale, que le lien entre les deux artistes prit un tour définitif. Quand Alberto passait des heures à contempler le visage ridé et couvert de plis de Diego, il n'essayait pas seulement de faire une sculpture, mais il opérait aussi un retour à l'intérieur de lui-même et dans le monde quasi préhistorique de leurs origines. À travers ces bustes, les deux frères ont laissé le souvenir d'une entité indissoluble. Dans les dernières années de la vie de Diego, de plus en plus de personnalités venaient frapper à la porte de cet homme très secret, dans l'espoir d'obtenir qu'il leur façonnât un siège à l'allure de trône ou une table en forme de barque. Meubles qui ornent maintenant le musée Chagall à Nice, la fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence et le restaurant Kronenhalle à Zurich. Diego a signé le mobilier du musée Picasso à Paris. Le musée des Arts décoratifs a présenté une rétrospective de son œuvre en 1986.
Bibliographie
D. Marchesseau[...]
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Écrit par
- Michael BRENSON
: critique d'art au
New York Times
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