BONHOEFFER DIETRICH (1906-1945)
Théologien protestant allemand, né à Breslau, Dietrich Bonhoeffer fut pendu le 9 avril 1945 au camp de concentration de Flossenburg. Après sa mort, son œuvre devient l'une des inspirations les plus fécondes mais les plus controversées du christianisme contemporain, qui se trouve confronté à l'autonomie des sciences humaines, à la sécularisation croissante de la société, comme à la dislocation d'une culture, menacée par l'abondance de ses moyens et le nihilisme secret de ses fins.
Ses dernières lettres de prison ont rendu Bonhoeffer célèbre. Il s'y interroge sur ce que devient Jésus-Christ dans un monde sans religion, sans besoin ni de métaphysique ni d'intériorité. « Comment le Christ peut-il devenir le Seigneur des non-religieux ? Y a-t-il des chrétiens sans religion ? » (30 avril 1944). Ces questions se rattachent à l'œuvre entière de Bonhoeffer, qui considère l'incarnation comme l'unité, sans séparation ni confusion, entre Dieu et la réalité. Le christianisme n'est donc pas une religion d'évasion, une gnose pour « candidats au ciel » selon l'expression de Feuerbach. Mais il n'est pas non plus une réduction pragmatique de la réalité à son chaos discontinu. Dieu est en Jésus-Christ la structure et le milieu du réel. Jésus-Christ est Dieu devenant homme pour se rendre responsable comme homme devant Dieu de la totalité des êtres et des choses. Si l'essence des religions consiste à compléter par un apport surnaturel les incapacités humaines, le christianisme n'est pas une religion. Si l'athéisme consiste à achever la tâche humaine, sans la présenter devant Dieu, le christianisme n'est pas non plus un athéisme. À l'imitation de Jésus-Christ, le christianisme est à la fois une résistance responsable, « majeure », pour reprendre avec Bonhoeffer l'adjectif de Kant dans Qu'est-ce que les Lumières ? de 1784, et une soumission priante, filiale, confiante. Dieu n'est pas le bouche-trou explicatif des ignorances de l'homme, ni le concurrent jaloux de ses pouvoirs, mais le répondant de sa responsabilité. Cette théologie de l'incarnation atteste ainsi la présence de Dieu au milieu, et non pas aux confins, de la réalité, présence structurante, représentative et libératrice.
L'Église concrète
La vie et l'œuvre de Bonhoeffer se divisent en trois parties, marquées chacune par deux ouvrages principaux. Après avoir étudié à Tübingen, Berlin et New York, il devient assistant de théologie systématique à Berlin. En 1927 et 1930 il soutient ses deux thèses : Communio sanctorum. Recherche dogmatique pour la sociologie de l'Église et Acte et Être. Philosophie transcendantale et ontologie dans la théologie systématique.
Marqué par Hegel, ouvert à la sociologie religieuse par Troeltsch, conquis à la dogmatique de la Parole de Dieu par Karl Barth, le jeune Bonhoeffer réfléchit sur les dimensions collectives de l'être de Jésus-Christ, sur la réalité de l'Église, comme lieu où se manifeste la connaissance de Dieu. Il ne faut pas, selon lui, se poser la question insoluble : Jésus prévoyait-il la constitution de l'Église ? Jésus-Christ n'est pas une personnalité isolée, fondatrice d'une religion particulière, le christianisme ; il est une personne collective, représentative et récapitulatrice, le fondement plus encore que le fondateur de l'Église. La sociologie aide la théologie, devenue trop individualiste et intimiste, à retrouver ses dimensions communautaires. Inversement, la dogmatique fournit à la sociologie une signification à une description des structures de la société. L'acte révélateur de Dieu instaure sur la terre un être collectif particulier, où la solidarité organique et la liberté individuelle se confirment l'une l'autre, de même que, dans la connaissance, l'acte transcendantal de saisie, décrit par[...]
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Écrit par
- André DUMAS
: pasteur, président du journal
Réforme
Classification
Média
Autres références
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DÉCHRISTIANISATION
- Écrit par Henri DESROCHE
- 4 195 mots
...question, en tout cas, qu'ont tenté de répondre les fameuses « théothanatologies », ou théologies de la mort de Dieu, introduites par les messages de Dietrich Bonhoeffer, son fameux paradoxe Etsi deus non daretur et son hypothèse d'un christianisme sans religion, d'un christianisme qui ne serait plus... -
GRÂCE
- Écrit par Georges CASALIS
- 4 084 mots
Il est important de préciser qu'à la suite du théologien allemand D. Bonhœffer, mort en 1945, la théologie et la prédication contemporaines insistent sur le fait que ce n'est certes pas l'orgueil et la volonté de puissance de l'homme qui peuvent le faire vivre, libérer autrui, construire la paix......