DIEU L'affirmation de Dieu
Dieu dans la théologie moderne
S'il fallait caractériser d'un mot la situation de la théologie en cette fin du xxe siècle, on pourrait parler d'une théologie « après la mort de Dieu ». Il suffit d'évoquer les diverses formes de théologie radicale, telles la « théologie de la mort de Dieu », l'« athéisme chrétien », le « christianisme séculier ».
L'objectivisme théologique
Leur limite est d'entretenir une équivoque sur le mot « Dieu » et donc sur sa mort. On confond la mort du Dieu-concept, d'un Dieu dont on fait la clé de voûte du cosmos et d'une certaine rationalité, avec la mort du Dieu vivant en Jésus-Christ. L'aboutissement logique d'une telle théologie, c'est l'athéisme total. Mais ce mouvement, dit de « la mort de Dieu », n'est que la forme extrême de la crise de l'objectivité de Dieu dans la théologie contemporaine. Malgré le succès relatif du néo-thomisme, il était inévitable que la théologie traditionnelle ressentît le contre-coup de la révolution opérée en philosophie. Depuis Kant, le langage religieux sur Dieu n'est plus un discours ontologique au sens où l'entendait la métaphysique réaliste : Dieu n'est plus que le postulat de l'action morale. Et les deux grands théologiens qui ont le plus influencé la théologie moderne, aussi bien catholique que protestante, Karl Barth et Rudolf Bultmann, sont, chacun à sa façon, des héritiers de la critique kantienne.
On caractériserait assez bien la manière dont se pose le problème de Dieu dans la théologie moderne en disant que l'on cherche à dépasser également l'objectivisme théologique de la théologie traditionnelle et l'existentialisme théologique. Le premier, parce qu'il conduit aux fausses objectivations de Dieu élaborées par la pensée métaphysique ; le second parce qu'il risque de réduire le mystère de Dieu au sens qu'il a pour l'homme. Le dépassement est cherché dans une fidélité plus grande à la Révélation elle-même où l'en-soi de Dieu ne peut être atteint que dans et par son pour-nous et dans un souci plus grand de ne jamais séparer le discours sur Dieu d'un discours sur l'homme.
Un Dieu trop humain ?
Même si l'on conteste l'interprétation que propose Heidegger du destin de la métaphysique occidentale, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur la théologie traditionnelle, considérée comme théologie métaphysicienne, à la lumière de ce qu'il dit sur l'essence cachée de la métaphysique comme onto-théo-logie. La métaphysique grecque n'est pas devenue onto-théo-logique du fait de son assomption par la théologie chrétienne. Elle l'était dès l'origine, parce qu'elle a conçu l'être de l'étant comme logosfondateur pour la perception intellectuelle. On peut difficilement refuser de voir dans le projet de la théologie métaphysicienne une volonté d'explication de la Révélation à partir de Dieu conçu comme fondement absolu de l'étant. Ne sommes-nous pas là en présence d'un mouvement d'explication (Erklärung) qui aboutira dans la pensée moderne à la « mort » de Dieu comme objet représenté, comme concept ? Dans cette théologie, Dieu est le fondement des étants et de la connaissance objective. Dans la pensée moderne, Dieu est fondé par l'objectivation transcendantale. Mais que l'homme ait remplacé Dieu comme fondement ne change rien au mouvement de la métaphysique comme volonté d'expliquer la totalité du réel et le transcendant à partir d'un fondement.
C'est par réaction contre cet objectivisme théologique, qui « explique » et « réduit » la nouveauté de l'événement de la Révélation, qu'il faut comprendre les requêtes de la théologie contemporaine qui s'est voulue plus existentielle, plus personnaliste.[...]
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Écrit par
- Claude GEFFRÉ : professeur à l'Institut catholique de Paris
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