DIEU La négation de Dieu
L'affirmation est un acte simple ; visant intentionnellement un donné de l'expérience, sujet d'une proposition, elle lui confère les attributs qui lui reviennent ; pré-interrogative, l'existence de cet homme, de cet arbre, de cette maison fait corps avec eux : certaines qualités leur appartiennent ; les questions ont une réponse de fait qui rectifie d'avance les ajustements précipités et les appréciations rapides ; cet homme est-il grand ou petit ? il est grand ; si l'accord s'avère difficile sur sa taille, une mesure commune et une commune opinion s'établissent, qui décident ; sans doute ces affirmations explicites sont-elles tardives et en supposent-elles d'autres, logiquement antérieures, qui déterminent l'homme, l'arbre, la maison comme homme, arbre, maison, comme cet homme, cet arbre, cette maison ; mais l'acte ne change pas de nature selon qu'il est d'identification ou d'attribution, qu'il reconnaît le sujet dans la perception et par la dénomination ou qu'il lui distribue ses qualités : une intuition sensible lui sert de matière à laquelle s'applique, par son intervention, une signification ; sa positivité suit celle de l'expérience et la continuité des jugements affirmatifs reproduit la solidarité sans faille des sujets et des prédicats ; la totalité comprend l'expérience et sa possibilité, la pensée ; elle est pleine et permanente à l'intérieur de l'extension de l'espace et de la mobilité du temps.
Dans ce plein apparaissent toutefois des distances infranchissables entre le perçu et l'imaginé, le vécu et le pensé, l'être et le langage ; des décalages entre les réponses et les questions ; dans ce permanent, des attentes et des hésitations. Certaines représentations, certains mots ne trouvent pas leur sujet, certaines propriétés demeurent sans support, certains futurs sans présent ; la rupture du parallélisme de la perception et de l'affirmation ébranle la certitude, divise la totalité, dissocie l'existence de l'existant, introduit un acte second, de révision et de réflexion, la négation : représentés, ou pensés, la chimère et le centaure n'existent pas ; l'existence n'est plus une donnée immédiate et irrécusable, son adhérence à l'existant devient hypothétique, l'affirmation perd sa priorité, la pensée, en recul vis-à-vis d'elle-même, s'interroge : comment peut-on penser et dire ce qui n'existe pas ?
Disparues la première confiance et la première croyance, la première réalité et la première vérité, le doute qui les remplace – entreprise trop méthodique pour ne pas se retourner en évidence de douter et en affirmation – ne sort pas de la positivité d'un processus qu'il s'applique à réduire : moi qui doute, je suis maître de mon doute, je le conduis à travers mes pensées comme pensée dominante, dominateur de celle-là même dont je forme l'idée et dont par conséquent j'acquiers la certitude ; un autre sujet, affirmatif parce qu'affirmatif de soi, trouve son chemin, dans le doute, comme conscience de douter ; sujet vrai, celui-là qui se pose et s'impose, il s'inquiète moins de penser, ce dont il est assuré, que de ce qu'il pense : comment nos perceptions n'ont-elles pas toujours de correspondant ? nos images ne sont-elles que des fictions ? nos idées peuvent-elles ne correspondre à rien ? Les perceptions se corrigent d'elles-mêmes, nos images attendent, la veille succédant au sommeil, de subir le contrôle de l'opinion d'autrui ; restent nos idées, qui échappent aux corrections et à l'opinion, nos idées, massives et adhérentes, sur lesquelles joue et se joue un autre type d'affirmation et de négation, puisque idées, elles n'ont pas, de toute antériorité, de réponse[...]
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Écrit par
- Jeanne DELHOMME : professeur à l'université de Paris-X-Nanterre
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