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DIEU La négation de Dieu

La recherche d'une origine

Au-delà de l'expérience qui demeure en continuité au moins possible avec lui, origine du monde dans le monde puisque constitué selon les principes des objets, Dieu assemble, accomplit, intègre les différentes lignes d'expérience et de pensée qui convergent en son idée, laquelle les réfléchit et reflue sur elles, revenant dans l'être pour s'y situer comme une idée, sans aboutir jamais à la transcendance et au transcendant dont elle contenait la promesse ; idée vaine et inapplicable soit à un contenu, soit à un projet, soit à une œuvre, elle semble destinée à rester le centre de discussions stériles et passionnées, la quête d'un Être dont elle est séparée.

À moins qu'elle ne soit cet Être même : saint Anselme et Descartes opérèrent le changement de direction de la pensée, l'inversion de sa démarche spontanée, la conversion du regard si habitué au quotidien, si halluciné par les outils qu'il les voit encore en s'en détachant – toutes attitudes qui ramènent le sujet, projeté hors de soi, à sa source qui est la source, à la présence de l'Incréé dans laquelle la créature aperçoit, en même temps que la perfection de l'Être parfait et l'absolu de la Causa sui, les limites de son être et de sa raison. Une autre pensée, qui situe la recherche mondaine dans les données de son idée, l'idée d'étendue, laisse à l'esprit la marge de sa présence à soi dans une Idée pensante qui n'est plus une idée pensée ; autre démarche, autre pensée mais aussi autre Dieu, Dieu d'en deçà de l'être dont l'idée, indivisiblement idée d'infini et infini de l'idée, réduit l'être à n'être que ce qu'il est, le lieu d'une certaine logique et d'une certaine métaphysique, restitue le cogito à sa dimension d'origine, sans l'intermédiaire des méthodes et des techniques cosmologiques, habite l'esprit avant qu'il ne se pense pour le nourrir et lui permettre de penser, pour le comprendre, sans qu'il puisse tout à fait la comprendre ; un tel Dieu n'est pas plus un terme qu'il n'est une position ou un objet, échappant à la déduction, à la conclusion, à la construction ; s'il hante la mémoire, ce n'est pas comme le quelconque souvenir d'une lointaine enfance, ce n'est pas non plus comme une réminiscence, toujours intérieure au champ de la connaissance, mais comme le pressentiment de ce qu'elle ne pourra évoquer, rappeler, représenter parce qu'il n'a jamais été connu, rencontré. S'il fonde la raison, ce n'est pas par une autre raison, fût-elle absolue, mais par la toute-puissance de sa puissance ; s'il meut la volonté, c'est parce qu'il est en elle comme l'infini mouvement de son désir. Aussi, originant, il n'est pas là comme le point fixe d'une origine originaire, il ne se manifeste pas par des actes identifiables qui conserveraient sa marque ; n'étant pas des philosophies, il n'est pas non plus des religions, mesurant par son Idée, qui n'est pas une idée, tout concept et toute représentation.

Distance, distance infinie de l'objet, co-extensif à sa définition, du sujet, plus vaste que sa subjectivité, écart du savoir dominateur au non-savoir réceptif d'une présence, ce Dieu a cependant un nom ; aussi englobante que soit son idée, elle est englobée par l'idée tout humaine d'une idée qui déborde toute l'idée ; aussi détachée de ses notions usuelles que soit la pensée, elle retrouve dans ce Dieu constituant le Dieu de ses constitutions, à contre-courant de son discours du monde ; pour être un discours d'approche, elle n'en est pas moins dans le discours ; pour mettre l'être entre parenthèses, elle n'en est pas moins de l'être et dans l'être ; l'au-delà du discours est encore[...]

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