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DIEU La négation de Dieu

La négation absolue

L'affirmation vient trop vite ; mais, sans précipitation et sans prévention, sans croyance et sans passion, elle ne s'accomplirait pas, repoussée par la non-idée de toute idée ; aussi coupe-t-elle court à la discursivité et aux hésitations et décide-t-elle d'une figure déterminée de la vérité : Dieu, affirmé absolu, mérite une affirmation absolue ; ultime affirmation, soustraite à la contingence de l'erreur, qui s'affirme elle-même oublieuse du non-être qui l'envahit car on dit quelquefois – les sophistes disent – ce qui n'est pas ; soit qu'il n'y ait pas d'affirmé, soit que l'on prenne un affirmé pour un autre, cette ultime affirmation ne voit pas se dessiner l'ombre de l'erreur et apparaître, comme détermination interne, la négation.

La symétrie des deux opérations, le renvoi de l'une à l'autre, leur solidarité donnent à la négation une solidité et une positivité au moins aussi grandes que la positivité et la solidité de l'affirmation ; dire que tel objet n'est pas noir est un jugement sur un jugement, un jugement à la deuxième puissance qui suppose une affirmation effective : « cet objet est noir » et une affirmation possible : « il est bleu » ; entre cette effectivité et cette possibilité, le jugement négatif ne juge rien ni de rien sinon d'autres jugements qu'il prévient ou rectifie ; mise en garde contre l'erreur et avertissement préalable, il ne met pas en cause la plénitude de l'être mais la restaure quand elle se creuse ; discours sur un discours, il fait du sujet qui parle son esclave et limite sa puissance en même temps que celle de l'affirmation ; que cet objet ne soit pas noir signifie qu'il peut être ou bleu, ou rouge, ou vert mais aussi que sa couleur est une couleur, qu'il y en a d'autres et qu'elle ne peut s'identifier à la couleur : échec de l'affirmation dont le champ est réduit à l'actuellement intéressant et qui reçoit en elle le négatif sous la forme de l'altérité, mais échec aussi de la négation qui présuppose, pour l'attaquer, la détermination ; relatifs l'un à l'autre, les deux actes ne peuvent donc, solitaires et absolus, l'un rassembler l'expérience en totalité compréhensive, les idées en Idée des idées, les êtres en Être des êtres, et l'autre dissoudre dans l'indéfini les frontières des objets, des idées, des êtres ; affirmer ou nier en soi quelque réalité ou quelque vérité en soi selon les normes d'un je pense intemporel appelle immédiatement son contraire, qui le restreint, et se détruit sur place par disparition du posé dans la position, œuvre de l'opération complémentaire.

L'affirmation et la négation de Dieu diffèrent cependant des affirmations et négations partielles en ce qu'elles ne portent pas sur un étant parmi d'autres pris dans l'intrigue de l'altérité et de la réciprocité, mais sur un Étant absolu, libre des conditionnements de la pluralité et de la négativité ; hors des sujétions du donné et du pensé, elles s'affronteraient sans se détruire et, Dieu n'ayant pas d'autre, aucune marge de non-être n'engendrant l'équivoque d'une pensée qui affirme ce qu'elle nie et nie ce qu'elle affirme, chacune resterait de son côté, entière et inentamable ; situations extrêmes, théisme et anti-théisme revendiquent la double possibilité d'un possible absolu dont le couple, ni somme ni conjugaison, ferait deux fois un sans faire un ou deux, mais deux fois un font un car, à l'intérieur de ce couple, la division est rencontre, la juxtaposition communauté, la différence association : n'ayant qu'un objet pour deux et ne pouvant se le partager, les antithétiques forment un système où toutes les opérations[...]

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