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DIEU Par-delà théisme et athéisme

Mythes et système

De leur côté, grâce à l'analyse structurale, elle-même appuyée sur un modèle linguistique, plus exactement phonologique, les ethnologues, les sociologues de la connaissance, les mythologues ont cessé d'être les recenseurs des étrangetés humaines pour devenir les logiciens scrupuleux d'une apparente « illogique ». Ils découvrent un ordre, une distribution logique d'éléments dans des mythes où l'on ne voyait qu'affirmations gratuites, bizarres, fantaisistes. Chaque mythe est spontanément construit, chaque mythe fait système : il énonce quelque chose, non au hasard, mais en assignant une position, des positions précises aux symboles qu'il manie ; de telle sorte que leur contenu empirique importe moins que la place qu'ils occupent les uns par rapport aux autres à l'intérieur du récit. En retrouvant ces positions, ces places, en remarquant comment elles se déterminent réciproquement, on interprète les mythes comme des jeux de relations, comme des systèmes logiques, d'un mot comme des structures. Et lorsque, d'aventure, on rencontre des narrations où les objets décrits sont différents, mais où les fonctions, les emplacements sont les mêmes, on conclut à l'identité de structure. Cette méthode est pratiquée surtout par Claude Lévi-Strauss ; son œuvre en fournit des exemples abondants, variés, souvent convaincants, toujours suggestifs. La leçon qui s'en dégage est celle-ci : même en mythologie, c'est un esprit logique qui opère, un esprit combinateur, on hésite à écrire : un esprit cybernétique ; par où il est prouvé que les lois de la pensée ne sont autres que celles dont pourrait rendre compte une théorie de l'information (au sens technique : théorie de la communication, théorie des messages) ; par où il est prouvé aussi que les hommes mythifient pour régler leurs échanges (échanges des femmes, des biens, des paroles) et que l'expérience de l'échange les satisfait par elle-même, sans qu'on ait à ériger en requêtes transcendantes des procédures subtiles, complexes, voire compliquées, qui s'expliquent fort bien dans l'immanence. Notons cependant que le recours à l'imaginaire introduit, dans cette symbolique des échanges, une dimension spécifique que le logico-formel ne récupère peut-être pas (Bachelard a bien vu qu'il existe un espace poétique et une poétique des éléments dont l'économie est originale, irréductible). En tout cas, on est en présence d'une problématique pour laquelle les mythes, les religions ont du sens (ceci contre l'ancien rationalisme), un sens logique, par rapport auquel les sens que superpose l'exégèse du fidèle ne seraient que miroitements subjectifs (ceci contre les herméneutiques d'adhésion). En somme, l'athéisme allait trop loin : il n'y a pas lieu de frapper d'incohérence le discours religieux, de le suspecter, de le destituer a priori. Mais le théisme allait trop vite : comment ajouter un sens au sens ? Y a-t-il un super-sens, un au-delà du sens ?

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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