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DIEU Par-delà théisme et athéisme

Les théologies de la mort de Dieu

Dans le domaine de la religion vécue – là, le tournant amorcé est extraordinaire –, un radicalisme d'autre espèce, mais aussi vif, aussi insistant s'esquisse en ce moment. Les théologies de la mort de Dieu prennent au sérieux les objections de Marx, de Nietzsche, de Freud. Elles liquident l'idée de Dieu comme reflet d'une société chaotique et divisée, d'un ressentiment, d'une culpabilité, d'une peur devant la vie, qui sont des sentiments négatifs, incapables de véhiculer une affirmation vraie. Dieu n'est plus à concevoir à travers ces filtres, ces prismes déformants. On le pensera mieux en le faisant, sans y penser, en le réalisant par l'amour, le dévouement, le sacrifice, sans le mettre en formules et en institutions. Le drame du christianisme aura été de s'inscrire dans l'histoire comme une visée très pure, qui devait rester un appel, un élan, et qui, en fait, a servi de caution, de recommandation à divers desseins, dont la plupart étaient intéressés (de soi, instituer n'est pas une faute : c'est un problème de viabilité sociale ; mais une religion doit moins travailler à s'établir qu'à se désétablir). Un dieu en croix est assurément le meilleur index religieux ; car il anéantit les signes aussi bien de gloire, de puissance que de triomphe par lesquels l'homme a coutume de profaner le mystère en s'exaltant. Crucifier la religion comme religion de l'homme, dégager la foi nue, voilà la dernière étape chrétienne, ou postchrétienne. Pour la première fois, les Églises se trouvent interpellées du dedans, avec cette force, qui est peut-être celle de l'Évangile. Nul ne peut prévoir ce qui en adviendra. À peine élaborées, les théologies de la mort de Dieu sont promptes à virer en théologies de la révolution. N'est-ce pas une faiblesse ? Car les révolutions elles-mêmes s'instituent et se dégradent. Mieux vaudrait convenir que la croix est une limite absolue et qu'elle juge définitivement ceux qui estiment avoir réussi.

Des trois directions indiquées, la dernière est la plus âpre. Le théisme d'autocomplaisance régresse. Parions qu'à son tour l'athéisme sera moins euphorique. En cette seconde moitié du xxe siècle, ce n'est pas la religion qui bredouille et l'irréligion qui parle haut et clair. C'est l'homme occidental, qu'il soit croyant ou incrédule, qui change d'attitude et de langage. Il renonce à corriger une idéologie par une idéologie meilleure. Il voudrait sortir de toute idéologie. Le peut-on ? La question est là, elle n'est que là. Mais peut-être va-t-elle rejoindre aussitôt la liste déjà longue des insolubilia.

— Henry DUMÉRY

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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