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DIEU Problématique philosophique

Au nom de Dieu, les philosophies ont toujours tenté de juxtaposer, voire de substituer, un concept. Qu'il s'agisse du divin ou de l'humain, le rôle de la philosophie est en effet de déployer des notions pour rendre notoires des significations. On peut distinguer les divers essais de penser Dieu en considérant leurs issues. À ceux qui admettent d'emblée la possibilité d'une affirmation quant à l'existence, l'essence ou la vie divines s'opposent ceux qui, sans renoncer à la pensée, voient celle-ci comme entraînée, en la circonstance, à d'incessants dépassements, à d'infinies corrections, à d'innombrables négations. Du sculpteur qui donne forme, corps et figure au divin se distingue l'iconoclaste, comme l'architectonique des traités de Deo diffère des écrits mystiques, qui ne s'avancent que de formulations en rétractations, d'amplifications en dépouillements. Quand s'énoncent des discours par essence multiples, leurs entrecroisements, comme ceux des différentes postures de réception, forment un tout difficilement dissociable. Comment démêler les fils de ces systèmes conceptuels ? La réalité ontologique s'offre ici à un décryptage épistémologique, dont la philosophie doit toujours à nouveau dégager les règles. En ce moment essentiel de la philosophie première, il y va du principe (dit plus tard inconditionné ou absolu), de son essence et de son existence, de ce qui doit pouvoir être pensé, sans aucunement dépendre du fait qu'il soit ou puisse être pensé, sans rien devoir (à la différence du cogito ergo sum) à la temporalité de ce fait.

C'est à Aristote que l'on doit la première élaboration logiquement développée d'une conception philosophique positive de la divinité. Elle repose tout entière sur l'idée de l'acte pur, qui conduit à la notion du Premier Moteur immobile, mais qui meut toutes choses en ce monde. En passant par Spinoza (ens absolute infinitum), cette conception de l'autonomie aboutit à l'Idée éternelle agissante en soi et pour soi, qui, selon Hegel, s'engendre et jouit de soi éternellement comme espritabsolu.

Mais en face il y a les philosophies de la distance et de l'énigme, pour lesquelles on n'atteint Dieu que par la négation. Apophatisme (du grec apophasis, négation) et théologie négative s'épuisent à exprimer la désappropriation de soi requise du rapport à l'Un. Si l'on peut rattacher ces pensées à celle de l'Un infigurable de la première hypothèse du Parménide, c'est en soulignant la diversité des cultures, des époques et des penseurs qui, eu égard à ce rapport vécu, déployèrent un travail, aux ramifications infinies, de mise en œuvre logique et dialectique du langage.

Toutefois, que l'on entende parler de Dieu en faisant triompher l'affirmation ou en privilégiant la négation, en posant au terme la réconciliation et l'apaisement ou le paradoxe et l'inquiétude, dans l'un et l'autre cas n'a-t-on pas déjà affaire à quelque antériorité de l'idée sur le concept, à une expérience (experimur) en laquelle, dit la Troisième Méditation de Descartes, on atteint en quelque manière par la pensée (quocumque modo attingere), mais sans la comprendre, l'idée que l'on a reçue ? C'est à l'immémorial que renvoie l'idée présente en nous, l'empreinte laissée par Dieu même sur notre âme (Malebranche). Une expérience spirituelle précède, à l'évidence, la découverte des apories du langage. De l'antériorité attestée par les signes d'un passé absolument passé, de l'empreinte ainsi laissée dans la pensée, multiples pourront être les acceptions. L'infini n'est pas une forme quelconque. « La forme n'est que la trace du sans-forme » (Plotin, Ennéades, traité[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres et sciences humaines, professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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