DIFFÉRENCE SEXUELLE (psychanalyse)
La différence sexuelle, ses conséquences sur la construction de l'identité et sur le déroulement de la vie psychique sont au cœur de la réflexion freudienne et fournissent les éléments essentiels de ce qu'on peut appeler le dogme freudien, dogme assez bien résumé dans l'Abrégé de psychanalyse (1938).
La théorie freudienne
La vie sexuelle commence très tôt après la naissance. Orientée vers le plaisir, elle est distincte de la génitalité et n'est mise au service de la reproduction que dans un second temps. La sexualité infantile traverse successivement les phases orale, sadique, phallique. À partir de cette dernière, garçon et fille connaissent un destin différent, pour entrer dans la période du complexe d'Œdipe, qui est marquée par la découverte de la différence anatomique des sexes. La confrontation avec la réalité de l'absence de pénis chez la femme détermine pour le garçon la fin de l'Œdipe, la crainte de la castration le conduisant à renoncer à sa mère. Pour la fille, le début de l'Œdipe est marqué par l'envie du pénis, qui la détache de sa mère et la rapproche de son père ; sur la voie de la féminité, le désir d'avoir un enfant devra remplacer l'envie du pénis. Cette organisation ne se parachève qu'à la puberté, avec l'apparition de la phase génitale. Par ailleurs, l'affirmation d'une bisexualité originelle et consubstantielle à la nature humaine fait que féminin et masculin s'opposent, se différencient, se succèdent en chaque être, qu'il soit homme ou femme. Enfin, Freud est partagé entre l'importance attribuée à l'anatomie (il reprend à son compte le mot de Napoléon selon lequel « l'anatomie, c'est le destin ») et le poids de la réalité psychique : les fantasmes inconscients qui découpent le corps ne dépendent pas de la seule anatomie.
Résumer de manière aussi sommaire cette théorisation ne lui rend certes pas justice. Elle ne s'est d'ailleurs constituée que progressivement, et parfois contradictoirement, et a connu de nombreux remaniements, lesquels ouvrent parfois la voie à d'autres investigations. Mais on perçoit combien est fondé le reproche fait à Freud d'avoir conçu la différence des sexes du point de vue d'un masculin originaire, qui ne déterminerait le féminin que par rapport à lui, et en conséquence présenterait le féminin comme le sexe « privé de ». Définition ablative, qui reconduirait ainsi l'héritage du patriarcat. Même si « le contenu des constructions théoriques de la masculinité pure et de la féminité pure demeure incertain » (« L'Analyse avec fin et l'analyse sans fin », 1937), il reste que le couple masculin/féminin recoupe diverses autres oppositions qui peuvent être comprises comme hiérarchisantes : activité/passivité ; spiritualité/sensorialité ; culture/nature ; social/privé ; sublimation créatrice/sublimation par la maternité ; voir, régner, posséder/sentir, se soumettre, renoncer.
Face au caractère très réifiant de ces perspectives, nombreux sont les psychanalystes qui ont voulu compléter ou modifier la théorie. Par ailleurs, comment négliger les apports récents de la recherche ? Ainsi ceux de la biologie – si « le biologique joue véritablement le rôle de roc d'origine sous-jacent » du psychique (« L'analyse avec fin et l'analyse sans fin », 1937), le fait que tous les embryons sont d'abord féminins pourrait amener à inverser la définition soustractive du féminin, en considérant que le masculin est ce qui n'est pas féminin – ou ceux de l'anthropologie – dans l'hypothèse de Françoise Héritier, le « caractère infrangible de l'engendrement féminin » serait à l'origine d'une réappropriation masculine du pouvoir féminin – ou encore ceux des [...]
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Écrit par
- Odile BOMBARDE : maître de conférences au Collège de France
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