CHRISTOFIAS DIMITRI (1946-2019)
Homme politique chypriote, président de la République de Chypre de 2008 à 2013, Dimitri Christofias a été le premier communiste à diriger un pays membre de l’Union européenne. Il a gravi tous les échelons de son parti pour en devenir le secrétaire général, un parti très orthodoxe sur le plan idéologique, mais très libéral dans sa pratique.
Dimitri Christofias est né à Kato Dikomo dans le district de Kyrenia, le 29 août 1946. Depuis juillet 1974, son village natal se trouve dans la zone occupée par l’armée turque. Son père est entrepreneur dans le bâtiment, mais aussi cadre important de la fédération du bâtiment, membre de la puissante Fédération panchypriote des travailleurs (PEO), la principale confédération syndicale de l’île, liée au parti communiste AKEL (Parti progressiste du peuple travailleur). C’est toute l’originalité du communisme chypriote : nombre de ses cadres et militants sont des chefs d’entreprise, ce qui fait de l’AKEL le parti le plus riche de l’île.
Scolarisé au lycée commercial à Nicosie, il entre à quatorze ans dans l’organisation des jeunesses lycéennes communistes (Organisation unifiée panchypriote des élèves, PEOM) et adhère aux jeunesses du parti (Organisation démocratique unifiée de la jeunesse, EDON). Fils de cadre, il peut adhérer directement à l’AKEL et à la PEO, alors qu’il ne travaille pas encore. En mai 1969, il entre au comité central de l’EDON. Comme tous les enfants de communistes chypriotes méritants, il obtient une bourse pour aller étudier à Moscou. De 1969 à 1971, il est étudiant à l’Institut des sciences sociales de Moscou puis, jusqu’en 1974, à l’Académie des sciences sociales de l’URSS, où il obtient un doctorat en sciences historiques.
Adoubé par Moscou à son retour au pays dans la tourmente de 1974 (coup d’État militaire contre le président Makarios, suivi de l’invasion turque), il commence son ascension à la tête de l’EDON, accède au secrétariat général en 1977 et s’y maintient pendant dix ans. À ce poste, il entre au comité central de l’AKEL en 1982 puis au bureau politique en 1986. À la mort du secrétaire général historique de l’AKEL, Ezekias Papaioannou, un des derniers leaders staliniens, en avril 1988, Christofias prend la tête du parti. En tant que cadre du mouvement, il doit se frotter au suffrage universel pour acquérir la légitimité populaire. Il sera ainsi député AKEL en 1991 puis en 1996 et 2001, année où il est élu président du parlement de la République de Chypre. Il est réélu à ce poste en 2006. Lors de l’élection présidentielle de février 2008, il est le candidat de l’AKEL, obtenant 33 p. 100 des voix au premier tour. La droite chypriote étant divisée en deux partis antagonistes, le Parti démocratique (DIKO) du président sortant Tassos Papadopoulos préfère se rallier aux communistes plutôt que de soutenir le Rassemblement démocratique (DISY). Ainsi, contre toute attente, Dimitri Christofias est élu avec 53,37 p. 100 des suffrages. Avant lui, un autre communiste avait été président de la République de Chypre, entre 1988 et 1993. Il s’agit de Georgios Vassiliou, issu d’une famille de communistes et simplement soutenu par l’AKEL, car il avait en projet de fonder son propre petit parti progressiste loin des idéologies dominantes de l’île.
La République de Chypre ayant un régime présidentiel, Dimitri Christofias dispose de pouvoirs assez étendus. Dès son élection, il augmente le salaire minimum ainsi que les retraites. Mais il est rattrapé par la crise financière internationale qui touche durement l’île en 2012. N’ayant pu obtenir l’aide des banques russes et déjà miné par la maladie, il ne souhaite pas se représenter à la présidentielle de 2013, qui voit le retour au pouvoir des conservateurs du DISY. Dimitri Christofias est mort à Nicosie le 21 juin 2019.
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Écrit par
- Christophe CHICLET
: docteur en histoire du
xx e siècle de l'Institut d'études politiques, Paris, journaliste, membre du comité de rédaction de la revueConfluences Méditerranée
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