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MITROPOULOS DIMITRI (1896-1960)

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Au même titre que Maria Callas, Dimitri Mitropoulos est devenu une figure de légende parmi les musiciens grecs. C'est pourtant hors de son pays natal qu'il a accompli l'essentiel de sa carrière. Personnalité au tempérament impétueux, pianiste, chef d'orchestre, compositeur, il a connu la plus belle mort qui se puisse rêver pour un musicien : une crise cardiaque pendant une répétition de la Troisième Symphonie de Gustav Mahler à la Scala de Milan.

Un Européen aux États-Unis

Dimitri Mitropoulos naît à Athènes le 1er mars 1896 (calendrier grégorien ; 18 février 1896 dans le calendrier julien). Son père est pope, son oncle évêque, et il découvre la musique au travers de la liturgie orthodoxe. Il envisage un moment d'épouser la vie monastique, mais il y renonce par amour pour la musique instrumentale, la liturgie orthodoxe grecque n'autorisant pas l'utilisation d'instruments. Il commence l'étude du piano à l'âge de sept ans et entre en 1910 à l'Odéon (conservatoire) de la capitale grecque, où il va travailler le piano avec L. Wassenhoven, l'harmonie et le contrepoint avec Armand Marsick, musicien belge qui a longtemps séjourné à Athènes. Il obtient ses diplômes respectivement en 1918 et 1920 et reçoit parallèlement une formation universitaire. Il n'a pas encore terminé ses études qu'il compose un opéra d'après Maeterlinck, Sœur Béatrice (1918), créé à l'Odéon le 20 mai 1919. Camille Saint-Saëns, qui assistait à la représentation, est impressionné par le talent du jeune homme et lui permet d'obtenir une bourse pour aller étudier la composition à Bruxelles avec Paul Gilson (1920). L'année suivante, Mitropoulos se rend à Berlin, où il travaille le piano avec Ferruccio Busoni à la Hochschule für Musik (jusqu'en 1924) ; en même temps, il est répétiteur à la Staatsoper de Berlin, où il travaille dans l'ombre du grand Erich Kleiber, qui en est alors Generalmusikdirektor. Mitropoulos découvre l'univers fascinant du théâtre lyrique. De retour en Grèce, il va diriger l'Orchestre de l'Odéon d'Athènes (aujourd'hui Orchestre d'État d'Athènes) de 1924 à 1939. Il est également professeur de composition à l'Odéon à partir de 1930.

Un heureux hasard va décider du cours de sa carrière : invité à diriger l'Orchestre philharmonique de Berlin, il remplace au pied levé, le 27 février 1930, le soliste Egon Petri, tombé subitement malade, dans le Troisième Concerto pour piano de Serge Prokofiev, qu'il dirige du clavier. Le succès est immense et Mitropoulos est immédiatement réclamé par l'Europe entière. Il jouera le même concerto dans les mêmes conditions (simultanément comme pianiste et comme chef) à Paris en 1932, puis aux États-Unis. Plus tard, impressionné par cette prouesse, le compositeur Ernst Krenek écrira à sa « double » intention son Troisième Concerto pour piano, que créera Mitropoulos en 1946. Lors de ses débuts parisiens, il triomphe d'emblée et est invité à diriger régulièrement l'Orchestre symphonique de Paris entre 1932 et 1936. C'est le même accueil lors de son premier concert aux États-Unis, avec l'Orchestre symphonique de Boston en 1936.

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Directeur musical de l'Orchestre symphonique de Minneapolis de 1937 à 1949, il y fait connaître les grandes œuvres du xxe siècle, notamment celles de Dmitri Chostakovitch et des musiciens de l'école de Vienne, ce qui suscite une certaine réticence dans un public traditionaliste. Mais son charisme suffit à emporter la partie et il transforme cet orchestre modeste en une formation de niveau national. C'est l'époque à laquelle il réalise le tout premier enregistrement de la Première Symphonie de Mahler (1940). En 1946, il adopte la nationalité américaine. Il est invité régulièrement par l'Orchestre de Philadelphie et celui de la N.B.C. À partir de 1949, il partage la direction de l'Orchestre philharmonique de New York avec Leopold Stokowski ; deux ans plus tard, il en devient le seul directeur musical (1951-1957). Il en élargit considérablement le répertoire en dirigeant notamment les symphonies de Mahler (première américaine de la Cinquième Symphonie), des œuvres d'Arnold Schönberg et d'Alban Berg ainsi que beaucoup de musique de son temps. Il innove également en conduisant des opéras du xxe siècle (Elektra de Richard Strauss, Wozzeck de Berg) en version de concert. En 1951, il débute au Mai musical florentin (Elektra) et au festival d'Édimbourg. Un an plus tard, il dirige pour la première fois à la Scala de Milan (Wozzeck). Le 15 décembre 1954, il débute au Metropolitan Opera de New York en dirigeant une légendaire Salomé de Richard Strauss, avec Christel Goltz dans le rôle-titre ; il y dirigera régulièrement une douzaine d'opéras jusqu'à sa mort. En 1956, il débute à l'Opéra de Chicago (La Fanciulla del West de Puccini). La même année, pour le bicentenaire de la naissance de Mozart, il dirige un Don Giovanni d'anthologie au festival de Salzbourg, où il reviendra chaque année jusqu'à sa mort. À New York, cependant, son autorité sur les musiciens de l'Orchestre philharmonique s'effrite au fil des années : l'homme était à la fois trop doux et trop passionné pour s'imposer dans la durée face à un orchestre difficile à tenir. Attaqué de toute part dans le contexte maccarthyste pour son homosexualité, profondément ébranlé, il abandonne son poste en 1957, et son assistant Leonard Bernstein lui succède. Sa carrière se concentre alors autour des plus grands orchestres et opéras européens : Scala de Milan, Mai musical de Florence, Staatsoper de Vienne... C'est au cours d'une de ces tournées qu'il meurt à Milan, le 2 novembre 1960.

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

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