MITROPOULOS DIMITRI (1896-1960)
Un défenseur de l'avant-garde
Mitropoulos est l'un des plus étonnants chefs de sa génération. Il dirigeait sans baguette (sauf à la fin de sa vie), d'une façon très nerveuse et expressive, parfois théâtrale, impliquant la totalité de son corps. L'homme était d'une générosité légendaire, partageant la vie de ses musiciens dans la plus grande simplicité au point d'y perdre une part de son autorité. Mais il possédait un charisme exceptionnel qu'il a su mettre au service de la musique de son temps. On lui doit des créations d'œuvres d'Heitor Villa-Lobos (Bachianas brasileiras n0 1, 1938), Ernst Krenek (Troisième Concerto pour piano, 1946), David Diamond (Première Symphonie, 1941), Paul Hindemith (Symphonie en mi bémol majeur, 1943), Robert Casadesus (Deuxième Suite pour orchestre, 1952), Samuel Barber (Medea's Meditation and Dance of Vengeance, 1956 ; l'opéra Vanessa, Metropolitan Opera, 15 janvier 1958, avec Eleanor Steber dans le rôle-titre)... Moins à l'aise dans le répertoire allemand du xixe siècle, Mitropoulos excellait dans les grandes fresques du xxe siècle. Ses interprétations reposaient davantage sur le tempérament et la passion que sur une parfaite mise en place. Doté d'une mémoire exceptionnelle, il a été l'un des premiers chefs de l'histoire à diriger sans partition, non seulement au concert mais aussi en répétition. Un concours international de direction d'orchestre portant son nom s'est déroulé à New York entre 1960 et 1970, révélant de jeunes chefs d'orchestre comme Seiji Ozawa, Claudio Abbado, Zdeněk Košler, Edo De Waart, Jesús López-Cobos. Ce concours, qui a été réorganisé en Grèce et qui se déroule à Athènes, se consacre en alternance à la direction d'orchestre et à la composition.
L'œuvre de Mitropoulos est restée injustement méconnue. Jamais il n'a usé de sa notoriété de chef d'orchestre pour imposer sa propre musique. En 1929, il écrivait à l'une de ses amies, Katy Katsoyanis : « Je suis trop plein de musique étrangère pour que je puisse produire la mienne. » Écrite dans une langue résolument moderne, sa Sonate pour violon et piano « Ostinata » parle déjà un strict langage schönbergien dès 1925. Pour orchestre, on lui doit un poème symphonique, La Mise au tombeau du Christ (1916), une pièce intitulée Enterrement (1925) et un Concerto grosso (1928) ; pour le piano, une Sonate (1919), un triptyque, Passacaglia, Preludio e Fuga (vers 1925), et Quatre Danses de Cythère (1926) ; il a composé des mélodies ainsi que des musiques de scène pour Electre (1936) et Hippolyte (1937) d'Euripide.
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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