VIERNY DINA (1919-2009)
Tour à tour muse de Maillol, directrice de galerie et fondatrice de musée, Dina Vierny, décédée le 20 janvier 2009 à Paris, demeure, par l'originalité de son parcours, une figure marquante de l'art du xxe siècle en France.
Née le 25 janvier 1919 à Kichinev, alors capitale de la Bessarabie, province russe située à une centaine de kilomètres d'Odessa, Dina Vierny quitte en 1925 l'U.R.S.S. avec ses parents, des musiciens juifs qui ont participé à la révolution de 1917 mais qui s'accommodent mal du nouveau régime. Installée à Paris, elle devient en 1934 le modèle du sculpteur Aristide Maillol, alors au sommet de sa notoriété ; ce dernier découvre en elle un « Renoir vivant », la parfaite incarnation du canon féminin qu'il recherche dans son art depuis les années 1890. Il lui fait connaître, entre autres, Raoul Dufy, Pierre Bonnard et Henri Matisse, pour lesquels elle pose aussi. Dina Vierny poursuit en même temps des études de biologie et de chimie, tout en fréquentant des écrivains de tous bords : Henri Barbusse, André Gide, Breton et les surréalistes, ou Prévert. Elle passe la période de la Seconde Guerre mondiale à Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) auprès de Maillol. Là, elle entreprend, au péril de sa vie, d'aider de nombreux réfugiés à quitter la France pour rejoindre l'Espagne et, de là, le monde libre. Après la disparition du sculpteur en 1944, celle qui a commencé très jeune à rassembler une collection aussi vaste qu'hétéroclite – « j'ai l'œil, affirme-t-elle, et depuis l'enfance je collectionne ce que les autres ne voient pas » – décide, sur les conseils de Matisse et de Jeanne Bucher, de devenir galeriste. En janvier 1947, elle inaugure avec une exposition de dessins de Maillol sa galerie, toujours active, au 36, rue Jacob dans le quartier Saint-Germain à Paris. Au fil des années, avec un éclectisme assumé et un refus de tout dogmatisme, elle organise des expositions consacrées à Klee, Kandinsky ou Picasso, défend le groupe Cobra et certains courants de la sculpture contemporaine française – notamment Émile Gilioli et Robert Couturier – et promeut l'art de Serge Poliakoff, son « peintre préféré », qui lui doit sa première exposition personnelle en 1951. À la suite de ses nombreux voyages en U.R.S.S. jusque dans les années 1970, Dina Vierny révèle également au public occidental des artistes russes du sots art moscovite comme Erik Boulatov, Vladimir Yankilevski et Ilya Kabakov, promis à un très brillant avenir dans les musées. Mais l'œuvre essentielle de sa vie demeure, durant ces années où la sculpture figurative de la première moitié du xxe siècle intéresse un public restreint, de faire connaître l'art de Maillol, dont elle est l'exécuteur testamentaire et l'héritière du droit moral depuis 1952. Elle collectionne personnellement ses créations et en assure la diffusion en France comme à l'étranger. En 1963, elle fait don à l'État de dix-huit œuvres monumentales de l'artiste, qui sont installées sous l'impulsion d'André Malraux dans le jardin des Tuileries, et qui constituent un musée de sculpture en plein air au cœur de Paris.
Ce succès donne à Dina Vierny l'idée de fonder un véritable musée Maillol. Année après année, elle réussit à acquérir l'ensemble de l'hôtel du sculpteur Bouchardon, rue de Grenelle à Paris, célèbre pour sa fontaine en façade et où, dans les années 1930, elle avait joué avec le groupe Octobre des pièces d'avant-garde dans un cabaret nommé Fontaine des quatre saisons. C'est là qu'elle crée en janvier 1995 la fondation Dina Vierny-musée Maillol, institution privée où se rejoignent les deux facettes de son existence ; on y mesure d'une part l'étendue chronologique et la qualité esthétique de l'art de Maillol, à travers cinquante[...]
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Écrit par
- Paul-Louis RINUY : professeur d'histoire et de théorie de l'art contemporain, université de Paris VIII
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