Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DING YANYONG[TING YEN-YONG](1904-1978)

Une voie moyenne

En peinture à l'huile, Ding a suivi une voie moyenne, à égale distance, d'une part, du Xu Beihong (alias Jupéon) et de Wu Zuoren (alias Ou Sogène) qui, ignorant tout de l'évolution de la peinture moderne occidentale, n'ont pas su dépasser les leçons d'un académisme en décomposition hérité du xixe siècle, et, d'autre part, de la jeune école de peinture de Taiwan et de Hong Kong qui, mieux informée que lui peut-être des derniers développements op et pop à l'étranger, s'est détachée de ses assises chinoises. Il a pris pour point de départ la peinture de Matisse, dont les inflexions souples et elliptiques sont par elles-mêmes proches de l'esthétique chinoise, et il a renchéri encore sur l'aspect calligraphique de cet art, travaillant avec une matière très mince, quelquefois même monochrome, et accordant au pinceau cette fonction et cette autorité suprême que seul un artiste chinois pouvait concevoir. La peinture à l'huile de Ding nous fait entrevoir la possibilité d'une nouvelle définition du terme « peinture chinoise », qui ne se référerait plus alors à un critère étroitement technique, mais embrasserait toute œuvre exécutée par un peintre chinois, quel que soit le médium choisi. C'est en effet l'esthétique et même le langage formel de la discipline chinoise traditionnelle qui en sont arrivés à sous-tendre la totalité de son activité artistique.

Dans cette technique traditionnelle, Ding dispose d'une virtuosité avec laquelle peu d'artistes chinois pourraient rivaliser ; il use exclusivement du gros pinceau à poils doux, un instrument hypersensible et difficile à contrôler, que la majorité des peintres actuels n'ose plus guère utiliser, et qu'il emploie à main levée et « pointe centrée », la méthode la plus exigeante qui soit. Non pourtant que sa peinture ne soit exempte de certaines faiblesses : emporté par sa facilité, par un excès d'assurance – il pourrait presque peindre d'instinct, les yeux bandés ! – et victime surtout de ces obligations de courtoisie qui sont la plaie commune des peintres chinois ayant acquis la notoriété et astreignent l'artiste à produire à tout moment au pied levé pour ne pas décevoir l'attente d'innombrables amis, connaissances et visiteurs divers, il est tenté parfois de s'en remettre à un vocabulaire stéréotypé, à des archétypes de composition et à des tours de main quasi mécaniques, ce qui entraîne une production abondante et superficielle où le pinceau, toujours infaillible pourtant, manque quelquefois de concentration et n'est plus suffisamment guidée par la nécessité intérieure. Mais ce dangereux penchant à la virtuosité est largement compensé et racheté par la générosité d'un dynamisme créateur en perpétuelle éruption. Son égocentrisme, qui paraît parfois confiner à la mégalomanie, présente en fait une naïveté roublarde qui n'est pas sans rappeler la verve agressive et malicieuse des maîtres du Chan. Ses audaces formelles pourraient trouver un écho dans certaines audaces japonaises : on pense en particulier à Tomioka Tessai ; mais, s'il fallait comparer Ding et Tessai (et une peinture comme son savoureux Zhong Kui suggère tout naturellement le rapprochement), c'est à l'avantage de Ding que tournerait finalement la comparaison (ce qui n'est pas peu dire, si l'on songe que Tessai reste pour les Japonais un de leurs plus grands peintres modernes), car, à vitalité égale, la peinture de Ding, même au plus débridé de son improvisation, reste toujours soutenue par une rigoureuse discipline du pinceau, tandis que cette ossature technique fait cruellement défaut chez le maître japonais.

Il faut évoquer, enfin, la gravure de sceaux. Dans ce domaine, Ding ne saurait certes prétendre au métier d'un Wu Changshi[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : reader, Department of Chinese, Australian National University

Classification