ORCHESTRE DIRECTION D'
Le travail du chef d'orchestre
Lorsque le chef arrive devant son orchestre, il doit connaître parfaitement les œuvres qu'il va diriger. Mais les musiciens prennent généralement contact avec les œuvres lors de la première répétition. Certains d'entre eux ont peut-être effectué un travail personnel préalable, notamment s'il s'agit d'une œuvre rarement jouée ou d'une partition contemporaine, mais, en règle générale, l'orchestre commence à travailler avec le chef au moment de la première répétition. Ce travail d'orchestre est essentiellement personnel, chaque chef le menant à sa façon, en fonction des circonstances (qualités de l'orchestre, difficulté du programme, nombre de répétitions...) et de sa propre expérience. Le véritable métier s'acquiert progressivement et l'art de savoir faire travailler un orchestre se polit au fil des années et des expériences successives. Certains chefs préfèrent laisser l'orchestre prendre connaissance de l'œuvre en la faisant lire une fois sans interruption ; puis ils font travailler les passages difficiles et forgent une interprétation personnelle qui doit tenir compte des réactions spontanées et des caractéristiques spécifiques de l'orchestre. D'autres préfèrent entrer d'emblée dans le vif du sujet et s'arrêtent au moindre incident pour rectifier ou faire travailler. D'autres enfin se fondent sur leur expérience et ne font travailler que quelques points cruciaux qu'ils savent difficiles ; ils laissent ensuite les choses se placer petit à petit, pendant qu'ils impriment leur marque personnelle, faisant confiance aux qualités artistiques et techniques des exécutants.
Il est d'autant plus difficile de dégager une règle de travail qu'un même chef d'orchestre ne procédera pas de la même manière pour répéter une même œuvre avec deux orchestres différents : un orchestre est un groupe d'hommes et de femmes plus ou moins homogène, dont le niveau technique et artistique peut considérablement varier.
En outre, chaque pays ou chaque école instrumentale possède ses caractéristiques propres, dont il faut tenir compte. Ainsi, les orchestres latins réagissent très vite aux premières lectures, au point d'offrir un résultat présentable en un laps de temps très court ; l'approfondissement et la qualité finale de l'exécution dépendent alors de l'emprise du chef sur ses musiciens au cours de la phase suivante du travail (un essai à transformer, en quelque sorte). À l'inverse, les musiciens germaniques travaillent de façon plus progressive, chaque étape de la construction d'une interprétation ne pouvant être abordée qu'après assimilation de la précédente, lorsque les instrumentistes se sentent en totale confiance avec le texte. Le poids de la tradition joue aussi un grand rôle dans l'univers germanique, ensemble de réflexes et de références qui sont souvent un allié précieux pour le chef. Enfin, un orchestre germanique possède toujours un sens collectif plus développé qu'un orchestre latin : c'est souvent une qualité – dans le répertoire classique et romantique –, c'est parfois un inconvénient lorsqu'il faut donner à l'exécution une grande liberté proche de l'improvisation, comme dans la musique française. Autre cas de figure bien spécifique, celui des orchestres anglo-saxons, qui répètent peu, pour des raisons économiques, mais qui sont parvenus à un étonnant niveau de professionnalisme garantissant une qualité d'exécution sans faille. Face à de tels mécaniques parfaitement huilées, le chef a rarement le temps d'imprimer sa marque.
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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