DIRECTOIRE
Difficultés économiques et financières
Du point de vue économique, la France a très peu changé depuis 1789. Elle reste un pays essentiellement rural, dans lequel les travaux des champs n'ont pas été modifiés par les bouleversements politiques et sociaux. La « révolution agricole » amorcée vers le milieu du siècle sous l'influence des physiocrates se poursuit lentement. La jachère recule à peine, les prairies artificielles se heurtent à une méfiance tenace ; seule la culture de la pomme de terre rencontre quelque succès. Le pays continue de vivre dans la crainte de la disette, toujours possible en cas de mauvaise récolte : c'est ce qui se produisit en 1795, mais les récoltes de 1796, 1797 et 1798 furent excellentes, et celle de 1799 à peine moins bonne. Dans l'industrie, c'est toujours le type artisanal qui domine, sans qu'on puisse faire état, depuis 1789, d'inventions techniques marquantes. Le nombre de machines à vapeur n'augmente pas, non plus que celui des métiers dans l'industrie textile. La production industrielle est, dans l'ensemble, inférieure à ce qu'elle était en 1789. On distingue bien quelques chefs d'industrie actifs et entreprenants : Oberkampf, Ternaux, Richard et Lenoir, Chaptal. Le gouvernement, en la personne de François de Neufchâteau, ministre de l'Intérieur s'efforce d'encourager ces novateurs par l'exposition industrielle qui s'ouvre à Paris en septembre 1798. Mais il ne s'agit que d'initiatives isolées, d'entreprises pilotes, dirait-on actuellement, qui ne reflètent nullement l'ensemble de l'activité industrielle sous le Directoire.
Cette vie économique, encore très liée au passé, est gênée par deux circonstances : mauvais état des communications, difficultés financières et monétaires qui ne seront surmontées que postérieurement au régime directorial. Tous les témoignages concordent pour signaler l'état déplorable des routes, mal entretenues et, de plus, peu sûres en raison du développement du brigandage. Les canaux ne sont pas en meilleur état. Les ports supportent les conséquences de la guerre maritime. Les Anglais occupent une partie des colonies et capturent les vaisseaux français qui se risquent sur les mers. En 1797, la flotte marchande française représente environ le dixième de ce qu'elle était en 1789. Les ports de l'Atlantique et de la Manche sont les plus atteints, le commerce méditerranéen se maintenant mieux de 1796 (signature de l'alliance franco-espagnole) à 1798 (expédition d'Égypte) : mais la prise d'Aboukir redonne aux Anglais la maîtrise de la Méditerranée. Le Directoire prohibe l'entrée des marchandises anglaises, préfigurant ainsi le blocus continental napoléonien ; cependant, la guerre gêne l'exportation qui, malgré les victoires continentales, a diminué de moitié par rapport à 1789.
Bien plus grave est la crise financière, qui revêt successivement deux aspects. Le Directoire avait hérité de la Convention une énorme quantité de papier-monnaie. Ne valant presque plus rien (moins que le prix du papier), l' assignat fut supprimé le 18 février 1796 et remplacé un mois plus tard par des mandats territoriaux gagés sur les biens nationaux non encore vendus. Démentant l'espoir mis en lui, le nouveau papier s'effondre encore plus vite que l'assignat : le 4 février 1797, le mandat est démonétisé, les impôts devant être acquittés en numéraire. Cette mesure énergique n'assainit pas la situation : le numéraire était rare (300 millions peut-être, contre 2 milliards à la fin de l'Ancien Régime). À l'inflation succédait la déflation, génératrice de baisse des prix. Dans cette France rurale, elle touche surtout les cultivateurs, qui doivent payer en numéraire fermages et impôts, alors que la vente de leurs[...]
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Écrit par
- Michel EUDE : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen
Classification
Média
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