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DIRECTOIRE

La nouvelle société

Si l'on compare la société du Directoire à celle de l'Ancien Régime, un trait retient avant tout l'attention : la disparition des ordres privilégiés, clergé et noblesse. « La loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. » Celles qui frappent les prêtres réfractaires et les émigrés sont des mesures de circonstance, rigoureuses certes, mais destinées à disparaître lorsque la paix sera revenue et que les ennemis de la République, cessant de compter sur l'appui de l'étranger, pourront être réintégrés, comme citoyens, dans la communauté nationale. Les anciens nobles qui n'ont pas émigré et qui ont survécu à la Terreur ont conservé leurs propriétés foncières et, s'ils ne perçoivent plus de droits seigneuriaux, en touchent néanmoins les fermages. Par leurs revenus, par leur genre de vie (sinon par leur mentalité), ils se rapprochent de la classe dominante, la bourgeoisie.

Celle-ci est en plein essor. Mais elle est loin de former un bloc homogène. Des bourgeois ont souffert de la Révolution, tandis que d'autres en profitaient. Parmi les premiers, on compte ceux qui ont émigré et dont les biens ont été confisqués, les « officiers » et (en partie) les hommes de loi, les rentiers ruinés par l'inflation. Par contre, ont tiré profit des événements ceux qui possèdent de la terre ou des maisons (biens nationaux ou non) ; ceux qui ont placé leurs capitaux dans des banques étrangères ; ceux qui se consacrent à l'industrie, au commerce ou à la banque, et dont le plus représentatif est le Grenoblois Claude Perier. Dans ce monde bourgeois du Directoire, deux traits sont à noter. C'est d'abord l'ascension d'une petite bourgeoisie issue des artisans ou des commerçants. Enrichis par les affaires, ils achètent des biens nationaux et font donner à leurs enfants une éducation qui leur permettra de devenir fonctionnaires ou – mieux – de s'orienter vers les professions libérales. C'est aussi l'apparition, non d'une classe, mais d'un milieu : les « nouveaux riches », qui ont fait une rapide fortune par des moyens plus ou moins honnêtes. Tels les fournisseurs aux armées, souvent groupés en compagnies : Hainguerlot, Rochefort, Flachat, Ouvrard. L'« immoralité » du Directoire est celle de ces nouveaux riches et de leurs protecteurs politiques, Barras et Talleyrand ; ses ridicules aussi : «   merveilleuses » et « incroyables » tiennent plus ou moins à ces milieux où la richesse s'allie volontiers à la liberté de mœurs et à l'excentricité de la tenue. Écume peu nombreuse et superficielle, à laquelle il serait tout à fait injuste de réduire la bourgeoisie de l'époque. Il y a parmi celle-ci, aussi bien à Paris qu'en province, une grande majorité de familles honnêtes et solides qui formeront les cadres de la nation pendant tout le xixe siècle.

On est assez mal renseigné sur les ouvriers des années 1795-1799. Le mot recouvre deux types de travailleurs : d'une part les artisans (libres par la suppression des corporations), de l'autre les ouvriers des « manufactures » encore peu nombreuses. Dans l'ensemble, les salaires sont plus élevés qu'en 1789. Mais on redoute le chômage, toujours menaçant en cas de marasme des affaires, et – au moins au début, du fait de la mauvaise récolte de 1795 – la famine. Au printemps de 1796, des émeutes éclatent dans les villes d'une certaine importance, comme Amiens ou Rouen. Les pouvoirs publics essayent d'y remédier en créant des bureaux de bienfaisance et en distribuant des vivres. La situation s'améliore après 1797, année de bonne récolte et de pain bon marché, alors que les salaires baissent moins vite que les prix.

Les paysans représentent la grande masse de la population française.[...]

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Écrit par

  • : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen

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Assignat - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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