DIRECTOIRE
La classe politique
Les auteurs de la Constitution de l'an III avaient visé à éviter tout retour aux pratiques de 1792-1794 : pas de gouvernement direct, pas de suffrage universel ; élections censitaires donc, et à deux degrés. À la base il doit y avoir un cens très large : il suffit, pour élire juges de paix et administrateurs communaux, de payer une contribution directe. Mais les électeurs, choisis par les citoyens pour désigner les membres des tribunaux, les administrateurs de département et les députés aux Conseils, devaient être propriétaires, usufruitiers ou locataires de biens fonciers dont la valeur, évaluée en journées de travail, variait suivant les cas de cent à deux cents de ces journées : on comptait en tout quelque 30 000 électeurs (sur 3 millions et demi de citoyens réunissant les qualités requises), sensiblement moins que sous le régime de la Constitution de 1791 ; mais, à la différence de celle-ci, il n'était pas exigé de cens pour être nommé aux diverses fonctions judiciaires, administratives ou politiques.
Il ne fut pas facile de mettre en place l'organisation prévue. Peu sont candidats à des fonctions publiques dont les responsabilités, tant matérielles que morales, apparaissent comme singulièrement lourdes. Les démissions sont fréquentes et les remplacements de plus en plus difficiles. Le Directoire s'est fait donner le droit de destituer les administrateurs jugés douteux ou incapables, mais là aussi le problème du remplacement se pose. Si l'on élimine les crypto-royalistes, il ne reste que les républicains modérés ou les « jacobins » : les « coups de barre » à gauche ou à droite qui marquent la politique du Directoire à l'échelon national se font sentir également dans les départements, non sans engendrer incohérence et lassitude.
Tout dépend donc, en définitive – et en dépit des précautions contre leur « despotisme » inscrites dans la Constitution – de la personnalité des cinq directeurs auxquels est confié le pouvoir exécutif. Tous les ouvrages consacrés à la période exposent les oscillations de leur politique : arrestation des babouvistes (10 mai 1796) et essai pour rallier une partie de la droite ; coup d'État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) qui entraîne des mesures rigoureuses contre les royalistes et les réfractaires ; coup d'État (cette fois sans appui de l'armée) du 22 floréal an VI (11 mai 1798) qui élimine des Conseils les députés jugés trop « à gauche ». Ces ouvrages insistent également sur la stabilité dont bénéficie le Directoire pendant un an (mai 1798-mai 1799), et qui lui permet de faire voter d'importantes lois, notamment en matière fiscale et militaire.
Directeurs, ministres, hauts fonctionnaires, députés membres du Conseil des Anciens et de celui des Cinq-Cents, commissaires du Directoire auprès des administrations départementales constituent une « classe politique » assez homogène, en dépit des nuances tenant aux options individuelles. Beaucoup viennent des administrations mises en place en 1790-1791, certains ont siégé à la Constituante ou à la Législative. Ils voisinent avec d'anciens conventionnels, ex-girondins et indépendants en majorité. La plupart sont propriétaires fonciers et considèrent cette qualité comme la plus sûre garantie du patriotisme et de l'esprit civique. Ainsi se forment les cadres qu'utiliseront non seulement le Consulat et l'Empire, mais les régimes ultérieurs.
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Écrit par
- Michel EUDE : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen
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