DIRECTOIRE
La guerre et la fin du Directoire
Si le régime issu de la Constitution de l'an III représente bien une tentative de stabilisation au sortir d'une période de troubles, elle ne pouvait réussir que si elle s'accompagnait du retour de la paix. Le Directoire a espéré l'atteindre dans l'été de 1797. Mais il a échoué. Les négociations de Lille sont rompues et la guerre reprend avec l'Angleterre. La paix continentale elle-même, signée avec l'Autriche à Campoformio, reste précaire. On en rend responsable les ambitions de la « Grande Nation » et son extension territoriale par annexions ou création de « républiques sœurs ». Mais il ne faut pas oublier l'hostilité foncière des puissances européennes envers les principes révolutionnaires que représente la République française. Et pour mesurer la force de cette opposition, il convient de dépasser le point de vue des historiens pour qui la Révolution s'arrête au 9 thermidor (27 juillet 1794). Tout ce qui suit serait régression, trahison des idéaux de 1789, des espoirs démocratiques des années 1792-1794. La Convention thermidorienne, le Directoire, le Consulat seraient des régimes réactionnaires, rétrogrades, un reflux après la période ascendante 1789-1794. Mais de Vienne ou de Londres, de Saint-Pétersbourg ou de Berlin, l'optique est tout autre. La Révolution conquérante, ce n'est pas celle de 1793-1794, réduite à la défensive, capable seulement de conquérir la Savoie et – au prix de quels efforts – les Pays-Bas. À partir de 1796 on voit les Français à Turin, à Milan, à Florence, à Rome, à Naples, à Berne, en Allemagne centrale et en Bavière, occupant d'immenses territoires et donnant aux États satellites nouvellement créés des constitutions et des lois inspirées du modèle français.
On comprend dans ces conditions la formation, dans l'hiver de 1798-1799, d'une nouvelle coalition dirigée contre la France, et l'attaque simultanée sur tous les fronts qui s'ajoute à des insurrections royalistes en divers points du pays. La situation était devenue très critique au milieu de l'été de 1799, d'autant qu'elle coïncidait avec une crise intérieure déclenchée par les élections qui, au printemps, avaient envoyé aux Conseils une majorité hostile au Directoire. En juin 1799, soutenu par celle-ci, Sieyès, devenu directeur, força à démissionner les trois collègues qui lui étaient hostiles (La Révellière-Lépeaux, Treilhard et Merlin de Douai), ne conservant que Barras. Mais cette majorité elle-même ne tarda pas à se scinder en jacobins, partisans d'une dictature démocratique comme en l'an II, et révisionnistes, décidés à terminer la Révolution par un changement de Constitution et l'instauration d'un gouvernement fort, stable et conservateur. Mais cela présupposait le recours à un coup de force, c'est-à-dire l'appel à un général. On sait dans quelles conditions Bonaparte, auquel s'était adressé Sieyès, le réalisa les 18 et 19 brumaire an VIII (9 et 10 novembre 1799).
Événement équivoque s'il en fut, par les discordances entre le plan et la réalisation, entre les intentions et les résultats. Le coup d'État avait failli échouer par la faute de Bonaparte, et Sieyès, qui l'avait pourtant très mal préparé, pensait en retirer tout le bénéfice. Or l'élaboration de la nouvelle Constitution tourna à l'avantage du général qui eut l'habileté de se faire désigner comme Premier consul par Sieyès lui-même. Mais ce n'est pas seulement pour ce dernier qu'on peut parler d'une « journée des dupes ». Si le coup d'État a été favorablement accueilli par l'opinion, c'est que le point de vue des « brumairiens » groupés autour de Sieyès était celui de la majorité des Français. Or que souhaitaient-ils ? Terminer la Révolution, et terminer la guerre : dans une France en paix avec ses voisins[...]
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Écrit par
- Michel EUDE : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen
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