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DISCOURS DE LA MÉTHODE, René Descartes Fiche de lecture

Discours ou méthode ?

Descartes lui-même a livré le plan de son ouvrage : « Si ce discours semble trop long pour être lu en une fois, on pourra le distinguer en six parties. Et, en la première, on trouvera diverses considérations touchant les sciences. En la seconde, les principales règles de la méthode que l'auteur a cherchée. En la 3, quelques-unes de celles de la morale qu'il a tirée de cette méthode. En la 4, les raisons par lesquelles il prouve l'existence de Dieu et de l'âme humaine, qui sont les fondements de sa métaphysique. En la 5, l'ordre des questions de physique qu'il a cherchées, et particulièrement l'explication du mouvement du cœur et de quelques autres difficultés qui appartiennent à la médecine, puis aussi la différence qui est entre notre âme et celle des bêtes. Et en la dernière, quelles choses il croit être requises pour aller plus avant en la recherche de la nature qu'il n'a été, et quelles raisons l'ont fait écrire. » Au vrai, le Discours est assez bref – mais, on le voit, hétérogène, car s'y succèdent, selon les termes de son commentateur Ferdinand Alquié, une histoire (une autobiographie intellectuelle), une logique, une morale, une métaphysique, un exposé scientifique, enfin « une sorte d'appel au public ». Sans doute a-t-il été composé à plusieurs époques. Le propos n'est pas lui-même méthodique : il s'agit plutôt d'un récit, qui invite le lecteur à juger sur pièces.

Les difficultés du texte, à le lire de près, n'ont pourtant pas empêché son succès. Celui d'abord d'une langue jamais pédante, où le narrateur, constamment présent et incarné, parle avec naturel et simplicité ; d'une écriture en phase avec son temps, nette, parfois ironique – ainsi du fameux incipit « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». C'est là en somme le succès d'une stratégie et d'un choix littéraires : le français versus le latin, l'opinion éclairée versus l'Université et l'École, les savants versus les théologiens, le « discours » versus le « traité ». Mais c'est surtout le succès d'une idée simple, une idée-force : la table rase. On ne trouve un fondement assuré à la connaissance qu'en s'obligeant à écarter a priori tout ce que l'on croit savoir. La première des règles, essentiellement négative, est de « ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle » ; est évident ce qui se présente « clairement et distinctement à mon esprit ». Une fois atteints ces premiers principes, les trois autres règles sont de déduction (« ordre », « chaîne de raisons »), à la manière des géomètres. On assiste bien à une véritable révolution, qui donne crédit au mécanisme, et ouvre la voie d'abord à la métaphysique classique (Leibniz, Spinoza, Malebranche...) puis à l'empirisme (Locke) et au criticisme (Kant) : tous les Modernes sont fils de Descartes – auraient-ils commencé par tuer le père.

— François TRÉMOLIÈRES

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