DISCRIMINATION
Les politiques antidiscriminatoires
Sous l'effet notamment de règles récemment adoptées au niveau communautaire, le droit de la non-discrimination, en France, couvre aujourd'hui la quasi-totalité des domaines de la vie sociale : l'emploi (public ou privé), le logement, l'accès aux loisirs, les relations avec le service public... Toutes les branches du droit comprennent des dispositions prohibant la discrimination, selon des modalités assez largement semblables.
Ce droit présente la particularité d'être à la fois répressif et résolument incitatif, appelant au déploiement de politiques publiques et d'initiatives privées.
Les politiques répressives
Un certain nombre d'avancées ont permis, au cours des dernières années, de faciliter l'accès à la justice des victimes de discrimination. L'effort du législateur français a consisté, d'une part, à rendre plus aisée la preuve de la discrimination, et à développer, d'autre part, un dispositif d'assistance aux personnes estimant avoir été l'objet d'une discrimination.
S'agissant de l'administration de la preuve, les règles ont été aménagées aussi bien devant la juridiction pénale (où la victime demande la condamnation de l'auteur de la discrimination, assortie le cas échéant d'un dédommagement) que devant une juridiction civile (où la victime demande uniquement la réparation du préjudice subi).
La charge de la preuve, au civil, est désormais répartie entre les deux parties. Depuis la loi du 16 novembre 2001, toute personne qui s'estime victime de discrimination en matière d'emploi ou d'accès au logement peut présenter « des éléments de faits qui laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ». Elle ne doit plus prouver la discrimination (preuve souvent difficile à rapporter), mais simplement produire des éléments matériels susceptibles de faire naître une présomption. C'est alors à l'employeur ou au bailleur qu'il incombera de « prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». Cette preuve s'ancrera généralement dans l'analyse des fonctions à pourvoir. L'appréciation par le juge de la situation de discrimination (« relation triangulaire » et logique du « si... alors ») sera toujours une appréciation au cas par cas. Le critère de la couleur de peau (discrimination directe) pourra être admis s'il s'agit de recruter un comédien pour jouer le rôle d'Othello ; la condition de maîtrise du dialecte alsacien (discrimination indirecte à raison de l'origine) pourra être admise pour le recrutement d'un aide-soignant dans une maison de retraite en Alsace (mais certainement pas pour un emploi de chauffeur routier).
En matière pénale, c'est toujours à la victime qu'il incombe de prouver – par tout moyen – la réalité de la discrimination. Celle-ci doit être directe et intentionnelle. Mais les juridictions, depuis le début des années 2000, accueillent de plus en plus volontiers la technique du testing. Un testing commence avec la formation de couples de demandeurs d'emploi (ou de clients d'une banque, d'une discothèque, d'une agence immobilière...). Les deux membres du couple, qui présentent séparément leur candidature, se ressemblent en tous points mais diffèrent l'un de l'autre par une caractéristique, dont la prise en compte est interdite par la loi dans ce type de contexte (couleur de peau, origine supposée, sexe, handicap...). Si l'un des deux membres du couple est accepté alors que l'autre est refusé, on imputera cette différence de traitement à l'unique caractéristique qui les distingue l'un de l'autre. Un testing (surtout s'il est répété) permet ainsi de confondre les auteurs[...]
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Écrit par
- Gwénaële CALVÈS : professeur de droit public
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