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VOCALE DISTRIBUTION

L'école baroque italienne

Mais retournons en arrière. L'école baroque italienne offre aux jeunes guerriers ou héros du dramma per musica des voix aiguës de soprano et d'alto, au mépris de toute correspondance entre le sexe du personnage et celui de son interprète. Les castrats surpuissants s'accordent tous les privilèges, y compris celui de donner une voix de soprano à Néron ou d'alto à Otton (Le Couronnement de Poppée, Monteverdi, 1642 ou 1643), de mezzo ou d'alto aux rôles-titres de Rinaldo (1711), Tamerlano (1724) et Orlando (1733) de Haendel, ou bien encore de jouer Ottavia (Le Couronnement de Poppée) et Cléopâtre (Giulio Cesare, Haendel, 1724) en travesti. Les ténors et les basses campent des hommes âgés ou comiques, sages ou puissants tels Charon et Pluton (Orfeo, Monteverdi, 1607) ou Sénèque (Le Couronnement de Poppée). Pourtant, c'est bien un ténor qui joue les rôles-titres d'Orfeo et du Retour d'Ulysse dans sa patrie (1640) de Monteverdi, d'Egisto (1643) et d'Ormindo (1644) de Cavalli – mais aussi d'Arnalta, la nourrice travestie de Poppée. Plus tard, conformément à une tradition déjà ancienne, le prince Idamante sera créé par un castrat soprano (Idomeneo, Mozart, 1781). Tandis que le courant français, largement réticent devant les castrats (l'Orphée de Gluck est castrat alto à Vienne en 1762 – Orfeo ed Euridice –, mais ténor à Paris en 1774 – Orphée et Eurydice), oppose le haute-contre à la basse-taille. Au premier, des héros mythologiques ou marquants : Renaud (Armide, 1686) et les rôles-titres de Persée (1682) et Phaéton (1683) de Lully, Hippolyte (Hippolyte et Aricie, 1733), Castor (Castor et Pollux, 1737), et les rôles-titres de Dardanus (1739) et de Zoroastre (1749) de Rameau. À la seconde reviennent des figures nobles ou accompagnant les premiers rôles : Celenus (Atys, Lully, 1676), Huascar (Les Indes galantes, Rameau, 1735), Thésée (Hippolyte et Aricie), Pollux (Castor et Pollux). Les femmes sont présentes avec des personnages d'envergure : Armide (rôle-titre), Médée (rôle-titre, Charpentier, 1693), Phèdre (Hippolyte et Aricie), Télaïre (Castor et Pollux).

Le travestissement

De tout temps l'opéra perpétua le goût du travestissement et de l'équivoque qu'il suscite. Il symbolise la jeunesse : Chérubin (Les Noces de Figaro, mezzo), Roméo (I Capuleti e i Montecchi, Bellini, 1830, alto), Urbain (Les Huguenots, Meyerbeer, 1836, alto), Gontran (Une éducation manquée, Chabrier, 1879, soprano), le Prince (Cendrillon, Massenet, 1899, soprano). Il personnifie des animaux : une Grenouille (Platée, Rameau, 1745, haute-contre), un Renard, un Coq et un Chien (La Petite Renarde rusée, Janácek, 1924, sopranos et mezzo). Ou bien encore il souligne le comique de certains rôles : le Prince Orlofsky (La Chauve-Souris, Johann Strauss fils, 1874, mezzo), la servante Mavra (rôle-titre, Stravinski, 1922, ténor). L'Inspecteur de police en ténor suraigu (Le Nez, Chostakovitch, 1930) ou le Chef de la police secrète en soprano colorature effrénée (Le Grand Macabre, Ligeti, 1978) traduisent une volonté de dérision évidente. Pour ne pas parler de Rossini, déjà cité.

Échanges, polyvalences, adaptations

Mais l'art ne serait pas l'art s'il se limitait à la simple application d'une recette de cuisine. La question « quel type de voix pour quel type de personnage ? » ne saurait se satisfaire d'une réponse immédiate ni même définitive sans être hasardeuse voire erronée, tant sont déterminants le rôle du timbre, de la puissance, de la tessiture et de l'écriture d'une part, le poids des époques, des pays, des esthétiques et des modes d'autre part – d'où la surprise que l'on peut éprouver parfois devant des renseignements a priori divergents. Et les exceptions ne sont certes pas innocentes. On a constaté des interversions fréquentes entre sopranos et mezzos, mezzos et[...]

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Écrit par

  • : professeur au Conservatoire de Bourg-la-Reine
  • : professeur d'analyse et de culture musicale à l'École nationale de musique de Montbéliard et au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

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