DITHYRAMBE
Genre lyrique consacré à Dionysos et, comme tel, caractéristique de tout un aspect du monde hellénique. Le mot est d'origine incertaine, probablement non grecque, comme en témoignerait la légende rapportée notamment par Hérodote : Arion de Méthymne (fin ~ viie s.), transporté par un dauphin au cap Ténare, en Grande-Grèce, aurait, à la suite de cette aventure merveilleuse, fait exécuter le premier dithyrambe à Corinthe, Thèbes ou Naxos. Pourtant, le terme recevait non moins communément dans l'Antiquité une étymologie significative, à partir de dithura (la double porte), allusion à la double gestation du dieu dans le sein de la mortelle Sémélé et dans la cuisse de Zeus. Il faut tirer de ces belles incertitudes étymologiques deux conclusions importantes : il y a, pour reprendre les termes de Nietzsche dans La Naissance de la tragédie, un « abîme immense qui sépare les Grecs dionysiaques des Barbares dionysiaques », et cet abîme, c'est précisément le dithyrambe comme « phénomène d'art » ; d'autre part, le dithyrambe est déterminé par l'essence même de Dionysos, dieu double, incarnant à chaque épisode de son mythe la contradiction entre humain et divin, mort atroce et triomphe. Or, le dithyrambe est bien cette forme d'art qui, en tant qu'art, est perte de l'identité et de l'individuation, ivresse, « vacarme silencieux comme la mort » (Nietzsche, Dithyrambes à Dionysos) : la musique, non pas la musique « plastique » et apollinienne de la cithare dorienne, mais le « flot continu de la mélodie [...] qui enfante le poème et l'enfante plusieurs fois à nouveau » comme fut enfanté Dionysos lui-même, produisant ainsi la forme strophique qui caractérise le dithyrambe. Qu'on imagine le chœur couronné ivre de vin et de dieu, dansant déchaîné comme les bacchantes, un chœur de personnages métamorphosés en satyres par l'attente et la vision de Dionysos. Après Archiloque (début ~ viie s.), qui aurait le premier consacré à Dionysos un chant dialogué avec chœur et choryphée, il faut citer Simonide de Céos, Lasus d'Hermione, organisateur du premier concours de dithyrambes, et surtout Pindare (~ 522-~ 442). C'est vers cette époque qu'on situe, suivant Aristote, l'origine de la tragédie, ultime réconciliation du dionysiaque et de l'apollinien, où « le chœur dionysiaque se détend en projetant hors de lui un monde d'images apolliniennes ». Le narrateur se transforme en acteur, et l'action s'élabore. Aux ~ ve et ~ ive siècles, avec Mélanippe, Phinésias, Timothée de Milet, Philoxène de Cythère, le dithyrambe est modifié par la tragédie dans sa forme extérieure. Mais, par la prépondérance croissante de la musique et de la danse sur le texte lui-même (« Autrefois, c'est la flûte qui accompagnait les chœurs, aujourd'hui, c'est le chœur qui accompagne la flûte », rapporte Pratinas), il demeure conforme à ses exigences propres, celles de son dieu.
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Écrit par
- Barbara CASSIN : chargée de recherche au C.N.R.S.
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