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DIVA, film de Jean-Jacques Beineix

Une panoplie postmoderne

Diva concentre le look des années 1980. Sur l'air de « Ebben ? Ne andro lontana », aria de La Wally d'Alfredo Catalani que pirate Jules en ouverture du film, de lents mouvements d'appareil glissent sur des objets et des décors bleutés dignes des magazines de mode de l'époque. Hilton McConico, le chef-décorateur du film, poursuivit d'ailleurs sa carrière en tant que designer. Plus nettement encore que Wong Kar-Wai, qui vingt ans plus tard jouera lui aussi de l'effet-clip dans In the Mood for Love, Beineix ne recule devant rien : pourquoi, quand il ne roule pas en traction avant blanche, Gorodish se tartine-t-il du caviar en écoutant des chants tibétains dans sa baignoire, cependant qu'Alba arpente leur loft en rollers ? Pourquoi, au détour d'un plan, telle citation de Sept Ans de réflexion (Billy Wilder, 1955) ? Parce que l'idée visuelle est intéressante... D'où cette propension à filmer le reflet des choses – sur des lunettes sans tain, sur le chrome d'un phare ou dans une flaque d'eau – plutôt que les choses elles-mêmes.

En filigrane, Diva dépeint nombre d'angoisses postmodernes quelque peu « fin de siècle » : comme le dit Jules en présentant son loft décoré de carcasses de belles voitures accidentées, « ici on fait dans le désastre de luxe ». C'est un monde où la révolution industrielle n'a plus à fournir que du décor : les machines-outils servent de tables de cuisine, les usines désormais désaffectées sont recyclées en lofts ou visitées comme des temples en ruines... On s'y cherche une identité. Jules exerce un petit métier mais – comme la soudeuse de Flashdance (Adrian Lyne, 1983), un film qui pillera comme bien d'autres le « visuel » de Diva – affiche les goûts d'un dandy de la bohème de son temps. Il annonce la cohorte des personnages désenchantés du cinéma postmoderne, qui survivent en se réfugiant dans un monde de purs signes et que l'on abandonne à la fin du film sans vraiment savoir si l'amour qu'ils ont rencontré in extremis les sortira de leur coquille (Hippo dans Un monde sans pitié, Éric Rochant 1989 ; Ricky dans American Beauty, Sam Mendes 1999). Gorodish – qui sous couvert de son bon cœur empoche tout de même au passage un kilo d'héroïne – est plus proche encore de l'« esprit cool », ce mélange de narcissisme, d'hédonisme et d'ironie qui sera l'ordinaire des voyous de cinéma des deux décennies qui suivront, par exemple chez Quentin Tarantino.

— Laurent JULLIER

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Autres références

  • BEINEIX JEAN-JACQUES (1946-2022)

    • Écrit par
    • 707 mots
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    Jean-Jacques Beineix, Luc Besson et Leos Carax ont formé, au début des années 1980, un courant dit « néobaroque » censé exprimer la mythologie et les défis de toute une jeunesse. Leur pari : un « tout pour l’image », issu de la BD, des graffitis, de la télévision et de la publicité, davantage que de...