DIVINATION
Quel que soit l'intérêt des classifications anciennes et modernes des techniques divinatoires, il convient de ne pas donner un cadre systématique trop rigide à des phénomènes encore mal connus. Il est toujours difficile, en effet, dans les sociétés primitives comme dans les civilisations de la haute époque historique, de séparer nettement les fonctions et les méthodes du magicien de celles du devin. Toute divination est liée aux fonctions complexes de l'« homme-médecine » (native doctor), lequel est à la fois voyant, exorciste, guérisseur, interprète des songes, magicien, et capable de deviner l'agent causal naturel ou surnaturel des maladies afin de choisir un rituel prophylactique. Même si la divination « inspirée » a toujours été rattachée aux sanctuaires oraculaires et pratiquée par des membres du clergé ou des confréries religieuses en Orient et dans les civilisations gréco-romaines, l'histoire nous livre aussi maints exemples d'utilisation de techniques divinatoires « raisonnées ».
Classification générale
La division platonicienne
Cicéron distingue deux genres de procédés divinatoires : d'une part, ceux qui se rapportent à la divination artificielle, « les pronostics tirés des intestins des animaux, des prodiges ou des éclairs, les prédictions des augures, des astrologues, des sorts » ; d'autre part, les procédés « qui nous viennent de la nature », « les vaticinations et les songes », effets de la divination naturelle (De divinatione). En réalité, le célèbre orateur emprunte cette classification à Platon ; on la trouve en effet dans le Phèdre, exposée par Socrate en des termes plus dignes d'intérêt pour le psychologue, l'historien et le philosophe.
Socrate déclare : « Lorsqu'elles étaient en délire, la prophétesse de Delphes et les prêtresses de Dodone ont rendu les services les plus signalés à la Grèce, tant pour le salut public que pour l'intérêt particulier ; et, lorsqu'elles n'étaient pas inspirées, elles ne lui ont procuré que peu d'avantages ou, parfois, elles n'ont pas même été capables du moindre service réel. » « Les Anciens, ajoute-t-il, n'ont pas regardé le délire (mania) comme une affection honteuse et déshonorante ; car ils n'auraient point confondu sous ce nom le plus beau des arts, qui nous révèle l'avenir, et ne l'auraient point appelé manikè. Et ils se sont servis de cette dénomination parce qu'ils regardaient le délire comme quelque chose de beau lorsqu'il est causé par une influence divine ; mais les hommes de nos jours, manquant de goût, ont introduit un t dans ce mot et en ont composé celui de mantikè (mantique, divination, prophétique). Au contraire, les sages, qui cherchaient à connaître l'avenir par le moyen du vol des oiseaux et d'autres signes, comme c'était à l'aide du raisonnement qu'ils donnaient à la pensée humaine (oièsis) l'intelligence et la connaissance, ont nommé cet art oionoïstikè. »
Ce dernier terme répond à l'expression de Cicéron qui a nommé la divination raisonnée ou conjecturale, divinatioartificiosa, littéralement « artificielle ». C'est ainsi que le traduit, en 1584, G. Peucer, lequel ajoute : « Ceux-là sont artistes qui, par conjecture, trouvent quelque chose de nouveau et, par diligente recherche, connaissent ce qui s'est fait avant eux. »
La division platonicienne des procédés divinatoires semble naturelle à l'esprit humain. Elle s'est imposée aussi spontanément aux indigènes de la vallée du Kasaï, lesquels distinguent, selon Fourché et Morlighem, la divination à l'état de veille, Lubuku, de l'inspiration à l'état de transe, Tschilumbu. Aujourd'hui, les noms ont changé mais ces catégories logiques demeurent. Les historiens des religions et les ethnologues[...]
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Écrit par
- René ALLEAU : historien des sciences et des techniques, ingénieur conseil
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