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DIX-HUIT BRUMAIRE AN VIII (9 nov. 1799)

La Révolution française s'est achevée sur un coup d'État militaire, les 18 et 19 brumaire an VIII (9 et 10 nov. 1799). La Constitution de 1795, qui fondait le Directoire, ayant fait faillite, il importait de la modifier. Regroupé autour de Sieyès, un parti révisionniste souhaite un renforcement du pouvoir exécutif et l'établissement d'un système où « la confiance viendrait d'en bas et l'autorité d'en haut ». Mais cette réforme n'est possible que par un coup d'État. L'article 338 de la Constitution prévoit en effet de trop longs délais pour une réunion constitutionnelle. Élu directeur en mai 1799, Sieyès cherche un général. Il songe à Joubert, mais celui-ci est tué à la bataille de Novi. Le retour d'Égypte de Bonaparte lui fournit « le sabre » nécessaire à ses desseins. Le complot, où entrent un autre directeur, Roger Ducos, les ministres Cambacérès et Fouché, la plupart des généraux présents à Paris, Talleyrand, la majorité des membres du Conseil des Anciens et le président du Conseil des Cinq-Cents Lucien Bonaparte, souhaite prendre pour prétexte une menace anarchiste. Les Jacobins vainqueurs des élections de l'an VII ont en effet imposé un certain nombre de mesures qui inquiètent les possédants. Le plan est le suivant : obtenir la démission des directeurs de manière à créer une vacance du pouvoir exécutif ; faire nommer par les deux Conseils trois consuls provisoires chargés de réviser la Constitution. L'appui de l'armée doit décourager les Jacobins. Pour éviter un éventuel mouvement des faubourgs et pouvoir faire plus facilement pression sur les Conseils, on décide de faire voter par les Anciens le transfert des Assemblées hors de la capitale, au château de Saint-Cloud. La première partie du plan est exécutée sans difficulté. Le 18 brumaire, les Anciens votent, en raison de la découverte d'une prétendue conspiration, le transfert des Conseils à Saint-Cloud et confient à Bonaparte le commandement des troupes de Paris. Sieyès et Roger Ducos donnent leur démission ; convaincu par Talleyrand, Barras les imite. Les deux autres directeurs, Gohier et Moulin sont retenus au Luxembourg par Moreau. Il n'y a plus de gouvernement. Reste à faire investir du pouvoir les trois consuls.

Mais le lendemain, 19 brumaire, l'exécution de la seconde partie du plan rencontre des difficultés. Les Cinq-Cents, de tendance jacobine, s'inquiètent de la raison d'une convocation hors de Paris et de la présence de nombreuses troupes à Saint-Cloud. Déjà aux Anciens Bonaparte présente des explications embarrassées. Au Conseil des Cinq-Cents, il est accueilli par des huées et perd son sang-froid. Son frère le sauve de la mise hors la loi en déposant ses insignes de président sur le bureau et en faisant appel aux grenadiers. Murat et Leclerc expulsent les députés. À la nuit tombante on rassemble les Anciens et quelques députés des Cinq-Cents ralliés aux conjurés. Ils votent la suppression du Directoire et la nomination de trois consuls provisoires, Bonaparte, Sieyès et Roger Ducos, chargés, avec deux commissions de vingt-cinq membres, de remanier la Constitution, selon le plan élaboré par les conjurés. Mais l'opération parlementaire envisagée par Sieyès a échoué. L'intervention brutale de l'armée, prévue initialement comme simple moyen d'intimidation, fait de Bonaparte l'arbitre de la situation. Le coup d'État de Brumaire ouvre la voie au despotisme militaire annoncé par Robespierre dans son discours testament du 8 thermidor : « Laissez flotter un moment les rênes de la République, vous verrez le despotisme militaire s'en emparer ».

— Jean TULARD

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  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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