Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DJĀBIR IBN ḤAYYĀN (VIIIe s.)

Il existe un volumineux corpus arabe d'environ trois mille traités, relevant de l'hermétisme et de l'alchimie, qu'on a pendant des siècles attribué dans sa totalité à Abū Mūsa Djābir ibn Ḥayyān, penseur fervent (il reçut le surnom d'al-Ṣūfi) qui, vivant au viiie siècle, aurait eu pour maître le sixième imām, Djā‘far al-Ṣādiq, et auquel les Latins ont donné le nom de Geber. P. Kraus a montré que le corpus djābirien représentait plusieurs collections différentes qui se sont développées, à partir d'un noyau primitif, au ixe et au xe siècle seulement.

La théorie de Djābir repose fondamentalement sur la « science de la balance », qui consiste à découvrir dans chaque corps le rapport existant entre le manifesté ou l'exotérique (ẓāhir) et le caché ou l'ésotérique (bāṭin). Dans cette théorie, P. Kraus a vu la tentative la plus rigoureuse du Moyen Âge « pour fonder un système quantitatif des sciences naturelles ». En réalité, par cette « science », il faut entendre une véritable conception du monde, un effort en vue d'une connaissance totale. L'opération alchimique, qui en l'occurrence n'est pas sans lien avec la philosophie religieuse de l'ismā‘īlisme, se présente, chez Djābir, comme une forme éminente d'exégèse spirituelle (ta'wil) qui revient, en occultant l'apparence et en manifestant le caché, à une transmutation de l'âme, condition de la transmutation des corps.

Sans grand rapport avec la masse impressionnante des minutieux calculs dont Djābir la recouvre, la science de la balance semble consister essentiellement en un souci de mesurer le désir de l'âme du monde présente en chaque substance, en une « algèbre » ou « énergétique de l'âme » conduisant à la libération de celle-ci.

Élève de l'imām Dja‘far, considéré comme le fondateur de la « science des lettres », Djābir donne la primauté, dans son alchimie, à la « balance des lettres », reprise et développement de la gnose antique et de la guématrie sous la forme originale de traités tels que le Livre du Glorieux (Kitāb al-Mādjid). Par cet intérêt pour la méthode de la transmutation des lettres, Djābir ibn Ḥayyān, auteur en outre du Livre de la royauté (Kitāb al-mulk) et du Livre de la concentration (Kitāb al-tadjmī‘), a ouvert la voie à toute une tradition d'alchimistes et de grammairiens arabes qui recherchent une « étymologie supérieure » (ishtiqāq akbar), une « théorie qui réunit en une seule signification toutes les permutations possibles d'une racine unique ».

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Autres références

  • ALCHIMIE

    • Écrit par et
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    C'est à Geber (Abu ‘Abd Allah Jābir ibn Hayyān al-Sufi), « roi des Arabes et prince des philosophes », que l'alchimie arabe a dû son renom extraordinaire, pendant tout le Moyen Âge. Les incertitudes d'attribution de ces œuvres à un auteur mettent en évidence le fait caractéristique d'une chaîne initiatique...
  • ISLAM (La civilisation islamique) - Les mathématiques et les autres sciences

    • Écrit par , et
    • 22 273 mots
    • 2 médias
    ...Alexandrie, sous la direction d'un certain Marianos qui aurait écrit un traité alchimique en 2 315 vers, le Paradis de la sagesse. Mais c'est avec Djābir ben Ḥayyān, le Geber des Latins, que l'alchimie prit réellement son essor. Né à Ṭūs en Iran vers 721, il s'établit comme alchimiste à la cour de...