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DJALĀL AL-DĪN RŪMĪ ou GALAL AL-DIN RUMI (1207-1273)

Poète persan né à Balkh, dans le Khorasan, mort à Konya, où son père, Bahā al-Dīn Walad, théologien éminent, avait été invité par le sultan seldjoukide à diriger une madrasa. Après avoir passé plusieurs années d'études à Alep et à Damas, où il rencontra sans doute Ibn al-‘Arabī, Djalāl al-Dīn s'installe à Konya, où il enseigne la jurisprudence et la loi canonique, succédant ainsi à son père et entouré de disciples. C'est là qu'en 1244 une rencontre vient bouleverser sa vie : celle de Shams de Tabrīz, un derviche errant dont on ne sait que peu de chose mais qui devint son maître spirituel et exerça sur lui une influence décisive, qu'il résumait en ces termes : « Ma vie tient en ces trois mots : j'étais cru, j'ai été cuit, je suis consumé. » Lors de la disparition tragique de Shams, il institua le Samā', le concert accompagné de la danse caractéristique de la confrérie qu'il fonda, généralement connue en Occident sous le nom de derviches tourneurs.

Djalāl al-Dīn Rūmī (ou Galal al-Din Rumi), connu aussi sous le surnom de Mawlānā, a marqué d'une empreinte ineffaçable la pensée religieuse de l'islam. Elle comprend principalement, en prose, Le Livre du dedans (Fīhi-mā-fīhi, trad. franç. Eva de Vitray-Meyerovitch), recueil de propos sur des thèmes mystiques et philosophiques ; Les Sept Séances (Mad-jālis-e Sab‘ah) ; des Lettres (Maktūbāt) présentant un grand intérêt pour la connaissance de l'époque et les relations avec les Mongols. En poésie, Djalāl al-Dīn a laissé des Quatrains (Rubā‘īyāt) ; d'admirables Odes mystiques (Dīvān-e Shams-e Tabrīzī, trad. franç. E. de Vitray-Meyerovitch, avec la collab. de M. Mokri) dédiées à la mémoire du maître disparu ; et le Mathnawī (trad. franç. E. de Vitray-Meyerovitch), vaste théodicée de plus de vingt-cinq mille vers, qui a souvent été comparée à la Divine Comédie. Djalāl al-Dīn s'y propose essentiellement de transmettre un enseignement. « Notre Mathnawī, dit-il, est la boutique de l'Unité, et quoi que tu voies là, sauf l'Unique, n'est qu'une idole. »

Ce long poème se présente sous la forme d'anecdotes et d'apologues, souvent empruntés au folklore, avec des commentaires ; leur multiplicité ne doit pas faire perdre de vue l'idée directrice : être l'instrument d'une initiation, d'une connaissance salvatrice. Lyrique ou didactique, l'œuvre de Djalāl al-Dīn Rūmī se propose toujours d'opérer une « métanoïa », une nouvelle orientation de l'âme, une « conversion » tendant à un éveil. Toutes les ressources du symbolisme, ainsi que d'autres méthodes pouvant s'adapter aux différences de capacités spirituelles sont donc mises en œuvre. Cette propédeutique à la connaissance implique la purification du cœur et de l'esprit, nécessaire pour parvenir à une certitude intuitive différente du savoir procuré par la raison discursive : car elle est une vision.

D'accord en cela avec tous les autres grands maîtres du soufisme, Djalāl al-Dīn Rūmī se fonde sur une psychologie transcendantale distinguant en l'homme des degrés à gravir pour atteindre la dimension d'intériorité qui lui révélera son moi véritable. Selon une constante loi d'analogie, les états subjectifs ont leur correspondance dans l'échelle universelle de l'Être, qui s'élève du minéral à l'ange et au-delà. L'homme parfait, parvenu à la conscience de son unité essentielle avec la Divinité, est, dit Mawlānā, « le but de l'univers » : connaisseur des secrets divins reflétés dans son cœur et représentant de Dieu sur la Terre, il en est devenu le témoin. Djalāl al-Dīn Rūmī, qui se défendait de faire de l'art pour l'art, n'en est pas moins l'un des plus grands poètes mystiques de la littérature de tous les temps. Ce grand voyant, qui déclarait, au[...]

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