DJERBA
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Chantée par Homère dans l’Odyssée sous le nom d’« île des Lotophages », Djerba (Jirba) est la plus grande île tunisienne (514 km2). Située dans le golfe de Gabès, elle est séparée du continent par la lagune de Boughrara.
La population de Djerba, d’origine berbère, a été profondément marquée par les événements et les civilisations qui se sont succédé en Méditerranée. Les fortifications témoignent des conflits, convoitises, arrivées et invasions, dont l’île a fait l’objet de la part des Grecs, des Phéniciens, des Juifs, des Romains, des Vandales, des Byzantins, des Arabes, des Espagnols, des Turcs et des Français. De son passé à la fois glorieux et tourmenté, Djerba a hérité un riche patrimoine matériel – mosquées, synagogues, églises, souks, fondouks(ou caravansérails), menzels (habitations traditionnelles) – mais aussi immatériel. Cet héritage singulier exprime de façon synthétique les particularités socio-économiques et culturelles de la vie insulaire contrainte par les ressources limitées de l’île. L’architecture vernaculaire est préservée : à quelques détails près, les constructions sont homogènes, en harmonie avec les conditions naturelles de l’île et en cohérence avec l’esprit de communauté insulaire solidaire. Une des particularités de l’île réside dans sa richesse en patrimoine immatériel : survivance de la langue berbère dans la partie sud, bien qu’elle soit en voie de disparition ; fidélité au schisme ibadite (branche de l’islam distincte du sunnisme et du chiisme), composante essentielle de l’identité locale d'une partie de la population ; enfin, maintien – en tout petit nombre cependant – d'une des plus anciennes communautés juives du Maghreb.
Le potentiel agricole de l’île est limité par la pauvreté des sols et la faiblesse des précipitations (200 mm/an). Cependant, des nappes d'eau douce de faible étendue, exploitées au moyen de puits équipés de motopompes, permettent la mise en valeur de petits jardins et de vergers irrigués (figuiers, pommiers, agrumes, abricotiers, pêchers, grenadiers, vignes et légumes). C’est notamment le cas dans la partie nord-est de l’île occupée par une oasis composée de trois étages bien distincts : des oliviers, souvent vieux mais qui alternent avec de nouvelles plantations ; des palmiers-dattiers ; et une céréaliculture extensive et sèche (blé, orge). De petits élevages (chèvres et moutons) fournissent des ressources complémentaires à ces productions locales de base.
Très nombreux par rapport à la surface de l’île (185 000 habitants en 2023, soit 359 habitants/km2), les Djerbiens ont jadis cherché des revenus complémentaires sur le continent : achats d’oliveraies cultivées en association avec les Akkaras de la région de Zarzis, troupeaux confiés aux pasteurs de la Djeffara. Par ailleurs, la mer leur fournissait les produits de la pêche traditionnelle (utilisant la drina). Dans les années 1980 et 1990, le remarquable essor du tourisme, favorisé par de belles plages sablonneuses, un aéroport international et une infrastructure hôtelière solide (120 hôtels), a restructuré l’économie de l’île. Le secteur touristique a créé de nombreux emplois, permanents et saisonniers, et ravivé l’artisanat d’art : celui de la poterie utilitaire se maintient à Guellala, tandis que le tissage d’habillement traditionnel revisité refait surface à Houmt Souk, le chef-lieu de Djerba. Mais si le tourisme fait aujourd’hui la gloire de l’île, il est aussi à l’origine de la récession de ses plages. Les hôtels et leurs annexes ont privé la côte de sédiments terrigènes, ce qui a déclenché une érosion marine sans précédent, accentuée par une élévation du niveau marin en relation avec la subsidence du golfe de Gabès et le réchauffement climatique. Par ailleurs, l'émigration temporaire continue d'assurer à l’île d'importantes[...]
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Écrit par
- Mongi BOURGOU : docteur d’État en sciences humaines, spécialité géographie, professeur des Universités, membre permanent de l'académie tunisienne des sciences, lettres et arts Beit El Hikma
Classification
Médias
Autres références
-
TUNISIE
- Écrit par Michel CAMAU , Roger COQUE , Encyclopædia Universalis , Jean GANIAGE , Claude LEPELLEY , Robert MANTRAN et Khadija MOHSEN-FINAN
- 23 430 mots
- 17 médias
...plateau, le Dahar, lui-même bordé par une falaise, les monts des Ksour. Entre cette chaîne méridienne et la mer s'étend la plaine de la Jeffara. L'île de Jerba constitue le prolongement de cette steppe prédésertique. Mais, à l'instar du Sahel, la frange côtière de la Jeffara présente des caractéristiques...