DJIHAD ou JIHAD
Le mot arabe jihād indique « un effort tendu vers un but déterminé ». Souvent traduit par « guerre sainte » dans les langues occidentales, le djihad a varié au cours des siècles dans sa conception comme dans son application. Ce n'est pas un devoir personnel, c'est un devoir collectif s'adressant à l'ensemble de la communauté musulmane (umma), et dont les règles précises ne furent fixées qu'après la mort du Prophète. Pour fonder leur opinion en la matière, les théologiens-juristes (oulémas et fuqahā') se référeront au Coran, à la tradition du Prophète (sunna) et aux règles édictées par les premiers califes.
Le djihad n'est généralement pas compté parmi les cinq obligations fondamentales de l'islam. En tant qu'universalisme, l'islam doit être propagé au monde entier et c'est là un devoir permanent pour la communauté musulmane. Le djihad est ainsi une institution divine pour propager l'islam dans le dār al-harb (les territoires non encore gagnés à l'islam, décrits comme le domaine du combat) ou pour défendre l'islam contre un danger. Pour être légitime, il doit avoir des chances raisonnables de succès. Mais le djihad n'est pas une guerre sainte d'extermination : dans sa version offensive, dirigée contre les peuples infidèles voisins du « territoire de l'islam », ceux-ci, avant d'être combattus, doivent être invités à se convertir. Juifs et chrétiens, en qualité de « gens du Livre » croyant en un seul Dieu, peuvent devenir « protégés » (dhimmī) par la communauté musulmane. Ils jouissent alors d'un statut privilégié et conservent le libre exercice de leur culte, moyennant le paiement d'un impôt de capitation, la jiziya. Les dhimmīs étaient soumis à quelques obligations et interdictions (contribution à l'entretien des armées musulmanes, défense de porter les armes).
Il est impossible de faire le djihad contre d'autres musulmans. Une fois la guerre déclarée aux infidèles, les non-combattants de la partie adverse sont protégés. Le bon traitement des prisonniers est un devoir. Le djihad est par ailleurs interdit lors de quatre mois sacrés muharram rajab dhū al-qa'da et dhū al-hijja, le mois du pèlerinage. Celui qui est tué au cours du djihad devient un martyr (shahid̄, c'est-à-dire « témoin »). Il est assuré du salut éternel et entre « sans retard » au paradis. Telles sont les acceptions les plus courantes du djihad, mais il faut tenir compte des règles de l'abrogation qui varient d'une école à une autre.
Dans le Coran, la prescription du djihad est nettement exprimée. Dans la sourate II (La Génisse), verset 186, il est dit : « Combattez dans le Chemin d'Allah ceux qui vous combattent, [mais] ne soyez pas transgresseurs ! Allah n'aime pas les transgresseurs. » Le verset 187 : « Tuez-les partout où vous les atteindrez ! Expulsez-les d'où ils vous ont expulsés ! La persécution [des Croyants] est pire que le meurtre. [Toutefois], ne les combattez point près de la Mosquée sacrée avant qu'ils vous y aient combattus ! S'ils vous [y] combattent, tuez-les ! Telle est la « récompense » des Infidèles. » Le verset 189 : « Combattez-les jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de persécution et que le Culte soit rendu à Allah ! » Cette révélation est incontestablement dirigée, non contre les infidèles en général, mais contre les seuls polythéistes de La Mecque. Car la guerre sainte s'explique aussi par les conditions rencontrées par Mahomet à Médine. La sourate II contient également le célèbre verset 257 : « Pas de contrainte en religion. La vérité se distingue assez de l'erreur ! » Ce verset a inspiré tous ceux qui se fondent sur le maintien et le respect des autres religions monothéistes dans la société musulmane.[...]
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Écrit par
- Pierre-Jean LUIZARD : chercheur au C.N.R.S., histoire contemporaine de l'Islam dans les pays arabes du Moyen-Orient
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